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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition
Autoren: Andrea H. Japp
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qui ne souffrait nulle dérobade, nul retard, Gilbert s'installa à ses côtés sur la table du dolmen. Le contact glacial de la pierre noire contre ses fesses et le haut de ses cuisses lui fit claquer des dents. L'homme ne paraissait pas incommodé par le froid, en dépit de son léger vêtement de cour.
    – Raconte, répéta le cavalier noir.
    Un peu perdu, incapable d'assembler ses idées, le moinillon se lança :
    – Eh bien, seigneur… je ne sais si vous êtes notre ancien frère, ou le frère de… votre frère, celui qui est notre frère, s'embourba-t-il. Je m'égare, c'est l'émoi. Quelle importance en vérité puisque vous êtes notre sauveur…
    – Le joli mot. Fort usurpé dans mon cas.
    Gilbert avait la sensation que son esprit venait de s'éteindre. Plus rien n'avait de sens. Il avait le sentiment d'avoir été transporté dans l'une de ces histoires de fées dans lesquelles le sens commun ne prévaut plus.
    – Poursuis, je te prie.
    – Voilà… peut-être frère Henri vous a-t-il résumé mon histoire… je suis orphelin trouvé. Dame-Marie m'a recueilli et je lui en rends grâce. Sans elle, j'aurais péri de faim, de froid ou aurais été dévoré par les bêtes. Toutefois… je ne suis pas moine, seigneur. En dépit de mes efforts – et je vous jure qu'ils furent constants et acharnés –, cette vie de… non-vie me donne le tournis à l'écœurement et l'envie de pleurer.
    – Non-vie… ? Ah, jeune homme, qu'en sais-tu ?
    – Vous êtes, à n'en point douter, homme de haut et du siècle, monsieur… Je veux vivre.
    Une infinie tristesse noya le grand regard noir qui ne l'avait pas quitté.
    – Dommage.
    Frère Henri se tenait debout derrière le jeune homme. D'un geste d'une célérité étonnante pour un homme de son âge, il bascula la tête de Gilbert vers l'arrière et abattit la daguette que venait de lui remettre un des deux cavaliers. La lame plongea vers la gorge du jeune homme qui, comprenant enfin, tenta de se défendre. L'arme chut sur la pierre dans un claquement de métal. Henri hurla. Un cri sauvage, inutile, insupportable et grotesque. Le sang gicla, éclaboussant le vieux moine qui sauta de la table du dolmen. Il resta là, à sa base, tremblant, dissimulant ses yeux derrière ses mains écarlates. Gilbert geignait comme un enfançon, plaquant les paumes sur sa blessure pour tenter d'endiguer le flot carmin qui s'en échappait. Le cavalier noir glissa vers lui.
    – Quoi… mais pourquoi… ? gémit le jeune homme.
    – C'est une si longue histoire, une histoire séculaire à laquelle tu ne comprendrais rien, murmura Arnaud Amalric en soulevant sa tête avec douceur. Chut… la vie commence. Tu vas mourir.
    Les larmes dévalèrent des yeux de Gilbert qui secoua la tête, pleurant :
    – Je ne veux pas… Vous ne pouvez pas… J'ai mal.
    – Tout doux.
    Un regard sombre, sans fin, plongea dans le sien. Un sourire attristé d'ami. Arnaud Amalric récupéra la daguette et d'un geste vif, rapide, empli de tendresse, acheva le moinillon qui expira dans ses bras. Il baisa le front tiède et murmura :
    – Tu as évité le pire. Crois-moi. Repose.
    Il fut en bas du dolmen d'un saut. Henri grelottait de couardise. Il était prêt à accepter le pire s'il n'avait pas à l'exécuter, s'il pouvait se voiler la face et prétendre qu'il n'en avait rien su.
    Un sentiment très ancien, qu'il avait cru disparu – la rage –, envahit Arnaud Amalric. Il souffleta le moine avec violence et cracha :
    – Rentre chez toi ou fais-toi dévorer ! Peu me chaut. Tu ne nous mérites pas. Sache… afin de gâcher les dernières nuits de ta vie, afin de pourrir tes derniers jours, que tu es coupable d'un meurtre odieux, inutile. Ton Dieu ne te le pardonnera pas.
    La panique fit trembler frère Henri. L'homme en noir ne pouvait pas ! Il devait respecter sa promesse ! Le vieil enlumineur geignit :
    – Seigneur Amalric, j'avais votre parole…
    – Comme j'avais la tienne de me prêter allégeance, pour l'éternité. Nous avions un pacte ! Une vie innocente en échange de mes dons, rétorqua le cavalier d'un ton glacial. L'as-tu honoré en égorgeant ton jeune frère ? Non, n'est-ce pas ! J'ai dû l'abattre comme un chien, afin de lui épargner une lente agonie. Car tu l'aurais laissé à se vider de son sang, à crever. Je n'ai pas obtenu le sacrifice que j'exigeais, celui qui m'offrait ton âme. Je suis donc délié de ma promesse.
    En dépit de la terreur que lui
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