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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition
Autoren: Andrea H. Japp
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Rue Saint-Jacques, Paris,décembre 1307, un siècle plus tard
    En ce début de nuit, une neige fine mais tenace avait vidé les rues. L'aumusse 1 rabattue bas sur le front, baissant la tête, Jeanne de Signulles s'emmitoufla dans les pans de son mantel 2 doublé de loutre. Parvenue à quelques toises* de son but, elle se tourna vers le gens d'armes qui l'escortait dans le dédale des ruelles peu sûres de la capitale et ordonna d'une voix basse :
    – M'attends ici. Je ne serai pas longue.
    Il hocha la tête et se rencogna sous un porche pour se protéger de la neige, croisant les bras sur sa poitrine, pinçant ses mains engourdies sous ses aisselles.
    De la même voix basse, plaisante et sans reproche, Madame de Signulles précisa :
    – Allons, l'homme ! Que cherches-tu à me faire accroire ? Que si on te frotte le nez, seul du lait en sortira ? Pourquoi penses-tu que j'ai fait halte devant cette taverne ? demanda-t-elle en désignant d'une main gantée d'un bleu profond l'enseigne duChat Pêcheur. Va t'y réfugier et offre-toi un cruchon de vin. Je frapperai aux volets lorsque j'en aurai terminé. (D'un ton plus impérieux, elle insista :) J'ai bien dit un cruchon. À quoi me servirait une escorte à l'esprit échauffé par l'alcool ?
    – Il en sera fait à vos ordres, madame. Grand merci.
    La brute ne se fit pas prier plus avant et traversa la rue à grandes enjambées.
    Jeanne de Signulles attendit qu'il disparaisse à l'intérieur du mastroquet.
    Une angoisse, à laquelle se mêlait une excitation difficile à contenir, lui ravissait ses nuits depuis une semaine. Avait-elle tort ? Raison ? Elle s'apprêtait à prendre la décision la plus irréversible de sa vie, la plus lourde de conséquences. Au fond, avait-elle véritablement le choix ? Elle se décida et pressa le pas. Quelques toises plus loin, l'hôtel particulier dans lequel elle était attendue.
    Un valet, muni d'une torche, planté au milieu de l'obscure cour pavée, les cheveux plaqués de neige fondue, l'attendait, une expression tout à la fois compassée et déconfite sur le visage.
    Elle s'avança vers lui, toujours encapuchonnée jusqu'au nez.
    – L'on vous espère, madame. De grâce, suivez-moi. Attention, les pavés de la cour sont parfois traîtres à qui ne les connaît pas, précisa-t-il d'une voix sans réelle alarme, indiquant assez qu'il servait cette mise en garde à tous les visiteurs de son maître.
    Jeanne de Signulles se fit la remarque, presque distrayante, que quiconque l'apercevant, ombre furtive suivant une haute flamme vacillante, songerait qu'elle allait rejoindre une galante compagnie. Certes, elle allait très probablement se donner à cet homme qui l'attendait dans le vaste salon éclairé vers lequel on la menait. Toutefois, pas en amoureuse, pas même en courtisane, encore moins en catin. En investisseuse peut-être, ou alors en usurière avisée. Elle donnait afin de récupérer davantage. Bien davantage. La seule noblesse de la transaction qu'elle s'apprêtait à opérer tenait en bien peu de mots : chacun savait ce que l'autre apportait et ce qu'il attendait en échange. Nul ne serait berné. Un frisson de panique la hérissa lorsque le valet s'immobilisa devant la haute porte à deux battants. Il était encore temps de reculer. Non. Cela faisait plus d'un an qu'il n'était plus temps.
    Un heurt contre la porte. Nulle permission de pénétrer. Le valet entrouvrit le battant et s'effaça devant elle, sans un mot, sans un regard. Il tourna les talons et s'éloigna, l'obscurité du long couloir l'engloutissant bientôt, n'épargnant que la flamme dansante de sa torche.
    Elle rabattit son aumusse, découvrant une chevelure d'un cuivre doré, et poussa la porte. Elle avança de quelques pas, clignant des yeux sous la vive lumière qui cascadait de torchères, d'une multitude de candélabres.
    Une voix grave, amusée, naquit du coin situé en diagonale.
    – Votre pardon, madame. La lumière vous blesse-t-elle ?
    – Je m'y habitue après la nuit du dehors.
    Jeanne de Signulles tourna la tête en direction de la voix. Il était indiscutablement le plus beau spécimen de la gent forte qu'elle eût rencontré. Très grand, d'une minceur musclée que mettait en valeur son gipon 3 de velours noir, élégamment brodé au fil d'or, ses hautes bottes de fin cuir qui remontaient à mi-cuisses jusqu'à son haut-de-chausses 4 ajusté. Noirs aussi.
    Quant à lui, la parfaite beauté de la femme le suffoqua à
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