Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
écartait ses doigts, de répugnantes cicatrices roses (188) . Une main juste bonne à tenir un chapelet. Aussitôt, comme pour se purifier, son attention se porta sur celle du roi Jean, pâle, solide, à laquelle les lueurs vacillantes des torches conféraient une nervosité, sinon une grandeur. Certes mauvais stratège, il était chevalier.
    –  Ainsi, vous doutez de la parole de ces… semeurs de mort ?
    – Oui, sire.
    – Tout être humain engagé dans une mauvaise voie peut s’amender, dit le prince du bout de ses grosses lèvres. C’est le cas de Lyon du Val qui, il y a moins de… trois ans, me rendit deux forteresses.
    S’il voulait offenser son père – hypocritement –, Charles y réussissait à merveille. Sans doute avait-il même été tenté d’user du nous, pluriel de majesté, qu’il lui tardait d’employer.
    – D’après ce que je sais, messire Lyon du Val n’est toujours point un saint (189)  !
    – Il le deviendra… peut-être. Nous sortons tous de la même argile, poursuivit le prince d’une voix sirupeuse que n’eût pas reniée, sans doute, son confesseur.
    – Certains, monseigneur, sortent de la boue, – pour ne point user d’un autre mot.
    Jean II écoutait son fils sans laisser paraître ses sentiments. Il se pouvait qu’il ne fût point mécontent de lui voir un contradicteur.
    –  Et qui donc, selon vous, sort droit d’autre chose ? De la merde, je présume ?
    Fallait-il répondre franchement ou bien, pour atteindre au même résultat, user, voire mésuser d’explications dilatoires ? Tristan songea qu’il se trouvait confronté à deux sortes d’impotents. L’aîné, affecté par une vergogne irrémédiable, tentait de recouvrer sa hautaineté perdue ; l’autre, ambitieux mais rongé par on ne savait quel poison, affectait une invincible béatitude. Prendraient-ils la vérité qu’il allait leur livrer pour une irrévérence ? Eh bien, tant pis. L’exprimer, c’était mettre en garde contre de males serviteurs ces deux piliers branlants de la royauté.
    – Arnaud de Cervole…
    Il y eut une exclamation : celle du prince, tandis que son père fronçait les sourcils, se souvenant sans doute que l’Archiprêtre, à Poitiers, avait subitement disparu de la mêlée.
    – Je vous accorde, Castelreng, que c’est une espèce de routier… Mais assagi, repenti… et fier, n’en doutez point, de servir la Couronne !
    Le roi Jean observait le profil de son fils. Il voyait son œil clair gonflé de pensées qu’il eût aimé connaître. Croyait-il toujours que Charles l’avait voulu trahir pour rendre concrètes les ambitions du Mauvais ? Il toussota. Ses paupières se fermèrent. Essayait-il ainsi d’imaginer son logement d’Angleterre et les nobles gens qui le visitaient ?
    – J’ai nommé Arnaud de Cervole mon lieutenant en Nivernais.
    – Ignorez-vous, messire, que les bourgeois de Nevers se sont aussitôt constitués en milice pour se garder d’un tel protecteur… et que l’Archiprêtre, pour les punir de leur insolence – je dirai, moi, de leur précaution – les a frappés d’une amende de soixante mille deniers d’or ?
    La réponse tomba, tranchante et singulière :
    – Avec ces deniers, il a soldé ses hommes, nous évitant ainsi de puiser dans notre trésorerie, par conséquent de hâter le paiement de la rançon de mon père.
    C’était joliment trouvé, mais faux. L’Archiprêtre emplissait ses coffres. Tristan, rechigné, muselé, considéra ces deux floués, ces trahis, merveilles d’une crédulité lamentable et funeste. Le rougeoiement des flambeaux semblait signifier qu’ils atteignaient le crépuscule de leur puissance et qu’il assistait, specta teur privilégié, au couchant de l’hégémonie des Valois, pâles imitateurs des Capétiens pourtant chargés de tares innombrables. Eux, au moins, avaient fortifié le royaume, justifié ses richesses quelquefois mal acquises par l’usage qu’ils en avaient fait. Règnes éphémères, certes, d’où l’usage du poison n’était pas exclu, mais ils avaient créé, bâti, préservé leur patrimoine. Maintenant, par la faute d’un Philippe VI et l’impéritie vaniteuse d’un Jean II, les Français, nobles et vilains, s’empêtraient dans les gravats d’une royauté aussi malade que cet héritier blême, égrotant et retors dont il ne pouvait, lui, Tristan, imaginer sans répugnance la pote 8 viciée – et peut-être vicieuse – tâtonnant son
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher