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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare
Autoren: Pierre Naudin
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déjà hanté ce sanctuaire en voie d’achèvement. Ils se croisaient, s’interpellaient, se congratulaient dans une rumeur de voix et de pas sans cesse traversée par des tintements d’éperons et des heurts de bouterolles se touchant l’une l’autre ou râpant un mur lors de civilités in promptu. Tandis qu’il abandonnait le seuil pour s’engager dans l’escalier, Tristan aperçut des personnes connues : Nicolas Braque et son frère Amaury (185) , Hugues Bemier (186) et Pierre de Villaines, dit le Bègue (187)  ; il le salua car ils avaient naguère échangé quelques mots.
    – Comment va… Castelreng ?… Où étiez-vous… passé ?
    Tristan sourit. Pour quelqu’un qui souhaitait n’être pas remarqué, la male chance le desservait.
    –  J’étais à Brignais, messire. Je reviens maintenant de Normandie.
    – Je connais bien ce duché… Je vais, d’ailleurs… y… y revenir pour… avec Guesclin… essayer d’assagir… ces reniés de Navarrais et… et de Goddons.
    Incidemment contraint d’évoquer le Breton, Tristan se retint de livrer sa pensée. Si peu qu’il l’eût vu et sondé, ce routier incarnait pour lui, désormais, l’ouragan des pires passions humaines. Ni Dieu ni quelque archange ni même Notre-Dame dont outrément il se recommandait, ne parviendraient à annihi ler sa frénésie meurtrière. Cet ambitieux se souciait moins de servir le roi que d’affermir son personnage. Sa gloire, il la voulait absolue et vermeille.
    – Je vous souhaite, messire, avec Guesclin, moult plaisances et réussites.
    – Je sais ce qu’il vaut. Sa vaillance… lui fait pardonner… le reste.
    Pierre de Villaines n’était point si bègue qu’on le disait ou, s’il l’était, il savait, le cas échéant, améliorer sa diction. Il semblait prendre plaisir à rompre le cours de ses phrases, à enchâsser certains mots d’un bref silence afin de leur donner plus de vigueur ou d’éclat. C’était un homme vigoureusement musclé, lourd de charpente et de chair, au visage sobre, glabre ; un chevalier trentenaire, marchant droit, voyant net, éloigné de toute affectation ; peu ambitieux sans doute.
    – Brignais, mon ami, c’est pour moi un échec pire que Poitiers.
    – Je l’ai, messire, ressenti comme tel. Messire Jean le Meingre vient de me dire que les représentants du roi ont traité avec les routiers.
    Pierre de Villaines soupira.
    – Hé oui… Comme toujours !… La royauté ôte ses chausses… quitte ses braies… et montre… Non : offre son… cul !
    Tout en exprimant son mépris à voix basse, le Bègue réunissait sans doute, dans une humeur atrabile, la défaite honteuse de Maupertuis et l’incapacité, pour un dauphin qui avait fui cette bataille, de se montrer homme de guerre jusque dans les murs de ses forteresses.
    – Nous sommes des vaincus… Tenez, Castelreng… J’étais… sénéchal de Béziers et Carcassonne… On m’en a… délogé… Audrehem y règne désormais. Et cela veut tout dire… Le mal que les routiers… commettront encore… ira… ira en s’aggravant… La Langue d’Oc va se… putréfier… Venez…
    Tristan se laissa entraîner dans la cour. Pierre de Villaines voulait y marcher à son aise et surtout éviter d’être entendu.
    – C’est à Audrehem que nous devons notre défaite à Poitiers.
    – En partie, j’en conviens 5 . J’étais présent quand Clermont et lui eurent leur riote 6 … Je ne sais rien des conventions passées avec les routiers. Elles doivent être… épouvantables. De plus, ce ne sont point des gens d’honneur. Ils renieront leur parole.
    Pierre de Villaines avait beau affecter un air simplement contrit, c’était de la colère qui l’animait, il en débégayait peu ou prou.
    – Arnoul qui arrive trois jours après Brignais, dit- il d’un seul jet. Il pouvait, il devait y être, ce couard… Jamais… présent quand il faut. Une dextre moins… faite pour serrer l’épée… que pour… saisir les… escarcelles… d’où qu’elles viennent. C’est pourquoi il… distribue… tant de lettres de rémission. Le roi les lui accorde… Il en reçoit… récompense. Il puise dans le Trésor… sans trêve ni scrupule… On m’en a dit de belles, sur lui, en… Normandie. Ils ont même violé Gues… Gues… clin et lui… des trêves conclues avec les… Goddons. C’est pourquoi la guerre s’y est… infectée.
    D’un geste nerveux, Pierre de Villaines chassa une mouche qui venait de
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