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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare
Autoren: Pierre Naudin
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se poser sur sa cotte d’armes de camelin mi-partie rouge, mi-partie blanche. Puis son poing s’agita, chargé sans doute, envers les deux absents, d’une densité menaçante.
    – Dieu, je le crois, fera justice de tout cela.
    – Qui sait ? fit Tristan, incrédule.
    Tournant les talons comme s’il redoutait d’en avoir trop dit, le Bègue de Villaines s’éloigna d’un pas pesant.
    Tristan monta en hâte l’escalier de la Grosse-Tour. Atteignant le premier palier, il aperçut le roi et le dauphin suivis de quelques hommes dont il ne se soucia guère. Le roi le vit avant son fils et l’interpella :
    – Venez, Castelreng.
    Le prince Charles répéta le geste de son père. Tristan les salua avec autant d’onction qu’un curial de longue date.
    – Êtes-vous venu, dit Jean II, pour savoir quand nous partons ?
    – Oui, sire.
    – Eh bien, suivez-moi… Viens, Charles… Vous autres, demeurez…
    Il y eut des murmures. Charles demanda :
    –  Où allons-nous ?
    – Saint-Louis. Nous y serons à l’aise.
    C’était une salle obscure, voûtée, soutenue au centre par deux piliers, garnie de hautes voûtes dont les culots, des têtes d’hommes et de femmes, souriaient aux visiteurs. L’hilarité de ces personnages accessoires n’altérait point l’austérité de ce tinel 7 pareil au corps de garde d’une prison. Cette sévérité semblait involontaire ; cependant, après les premiers instants de silence et de gêne. Tristan sentit son esprit s’acheminer vers une sorte de résignation. Formidable par des dimensions et une massiveté qui attestaient de la toute-puissance des choses qu’on y discutait lois, desseins, verdicts –, cet hypogée, par son aspect et la rareté de ses luminaires, semblait le morne refuge d’une royauté aux abois.
    Empreinte d’une fatigue physique et spirituelle, la physionomie du roi semblait, dans la pénombre, toute d’aisance et de majesté. Sa senestre lasse tapotait sa hanche comme pour y sentir, par miracle, une épée inexistante. Il n’était plus le monarque qui se voulait redoutable avant Poitiers, le faiseur ou l’empoigneur de foudre. Sous ses sourcils parfois froncés, ses yeux ne brillaient guère plus que deux gouttes d’encre délavée. Il s’assit pesamment sur une chaire chargée de dorures et, d’un remuement faussement rigoureux du menton, enjoignit au dauphin de s’installer près de lui, dans un siège pareil au dossier plus petit. Tristan se demanda quelle image du père et du fils se forgeait l’imagination populaire. Pour la duplicité, il eût choisi le fils. Pour le courage, même fol, vain, mortifère, il préférait le père.
    –  Vous resterez à Vincennes, Castelreng, et attendrez mon mandement.
    – Oui, sire.
    – Prenez cette chaière près du seuil, dit le prince. Approchez-vous.
    Tristan obéit. Le siège était étroit, plus incommode qu’un banc. Il se sentit du mésaise.
    – Vous qui étiez à Brignais, dit le roi, que pensez-vous des capitaines des Compagnies ?
    Tristan s’inclina. « S’ils veulent être seuls à savoir ma pensée, ils vont être servis ! » Il affecta une mine de circonstance – aussi froide et morne que les murs.
    –  Je vous l’ai déjà dit, sire, et à vous aussi, monseigneur, dès mon retour : on ne saurait accorder la moindre créance à ces malandrins. Ce sont tous des semeurs de mort. Leurs forfaits sont irrémissibles.
    Il savait que sa fureur soudain ressuscitée préjudiciait son propos, effaçant de son contenu même l’accent de naturelle aisance qu’il eût aimé lui donner.
    – Ah ! fit le roi.
    Il avait espéré une simple rancune, il obtenait de l’exécration.
    – Croyez-vous ? fit le duc de Normandie entre deux pincements de lèvres.
    Il avait imprégné sa question de la noblesse innée qui était sienne tandis que son attitude se cherchait la souveraine majesté dont il était privé. Ce n’était qu’un malade en instance de couronnement qui, pour parvenir vélocement au trône, s’était pendant un temps accointé au Mauvais. « On dirait, songea Tristan, tellement il se tortille, qu’il est assis sur un lit de fourmis… à moins qu’il n’ait des émoroydes. » Pour demeurer serein devant ces hommes, il était contraint d’amoindrir leur dignité et d’em pirer les maux dont ils souffraient inégalement. Il regarda, tapotant l’accoudoir de la cathèdre, la grosse dextre du prince Charles et dans les entre-deux, quand il
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