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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac
Autoren: Anne Tremblay
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àcommuniquer ainsi. Au
     printemps, son ventre était si gros que Julianna avait peine à atteindre les
     touches de son piano. Elle aimait tant s’y asseoir pour accompagner les
     berceuses qu’elle chantait à son bébé le soir venu tandis que son mari
     travaillait tard à la fromagerie qui avait recommencé sa production
     annuelle.
    « L’an 1926 sera une très bonne année » avait prédit François-Xavier, fier de
     son fromage. Le bébé arriva vers la date prévue, en plein milieu de la journée.
     Tout s’était bien déroulé même si Julianna avait dû littéralement pousser
     François-Xavier dehors pour qu’il aille chercher Marguerite. Il craignait tant
     de la laisser seule. Elle dut lui expliquer qu’un premier bébé venait rarement
     vite et qu’il avait amplement le temps de partir et de revenir. Elle ne croyait
     pas si bien dire, le travail dura douze heures. Au début, elle se contrôlait,
     mais à la fin, les douleurs étaient si insupportables qu’elle en blasphémait, au
     grand dam de son mari qui l’entendait hurler ses sacres de la cuisine. Julianna
     ne désirait plus qu’une seule chose, que la torture finisse, que l’on cesse de
     l’ouvrir par en dedans, qu’on lui enlève cette chose qui lui faisait si mal, qui
     la labourait. Elle avait changé d’idée, elle ne voulait plus de ce bébé, c’était
     trop dur, c’était trop souffrant, trop long, trop épuisant, c’était la faute à
     François-Xavier, il ne la toucherait plus jamais. C’était… C’était merveilleux…
     Il était là, si petit, son bébé à elle. Comme par magie, toute la précédente
     souffrance fut oubliée… Et il était si beau, si parfait, son petit garçon… son
     petit Pierre. Il ressemblait à son père, la même bouche et les mêmes cheveux
     roux…
    — Mais y a ton p’tit nez en l’air, princesse, lui dit François-Xavier plus
     tard, en admirant sa femme et son fils.
    — Tu peux le prendre dans tes bras, tu le briseras pas, dit Julianna en lui
     tendant le nouveau-né.
    — Bienvenue su’a Pointe-Taillon, Pierre Rousseau, dit-il en prenant le petit
     paquet emmailloté. Et voici ton futur domaine,ajouta-t-il en se
     plaçant devant la fenêtre. Tu aimeras y grandir, y courir. Tu vas voir, tu vas
     adorer le lac, où tu pêcheras les plus gros poissons de la terre, pis tu vas
     manger le bon fromage à ton papa, qui te rendra fort, fort, fort !
    — Arrête de faire le fou pis redonne-moé le bébé ! Va plutôt à place reconduire
     Marguerite chez elle. A doit être morte de fatigue. Oh regarde, il fait comme un
     sourire. Dommage que marraine se sente pas assez ben pour faire le voyage de
     Montréal à la Pointe, s’attrista Julianna.
    — Allons, ma princesse, se désola François-Xavier. Léonie va aller mieux, tu
     vas voir, pis la première chose qu’on va savoir, a va r’tontir icitte pis a
     quittera pus notre petit Pierre.
    — Des fois, j’ai l’étrange impression que je la reverrai pus jamais, révéla
     Julianna avant de secouer ses boucles blondes qu’elle avait laissées allonger.
     Allez, va vite reconduire Marguerite.
    Et elle reporta toute son attention sur le nouveau centre de son univers.
    La belle-sœur attendait dans la cuisine, ayant voulu laisser seuls les nouveaux
     parents. Elle était si fatiguée qu’elle s’était endormie sur sa chaise, la tête
     accotée sur la table. François-Xavier s’apprêtait à la réveiller quand
     Ti-Georges passa la tête par la porte entrebâillée.
    — Chus venu, j’en pouvais pus d’attendre. Pis ? demanda Ti-Georges en
     chuchotant.
    — Pis quoi ? demanda son ami d’un air innocent.
    — Bateau, arrête de me faire languir ! gronda Ti-Georges en pénétrant dans la
     cuisine. Si ma Marguerite dort, c’est que tout est fini… C’est-tu un garçon ou
     bedon une fille ?
    — C’est… un garçon ! annonça fièrement le nouveau père. Pis beau comme son père
     à part de ça ! C’est Julianna qui l’a dit !
    — Bravo, mon François-Xavier ! le félicita Ti-Georges à grandscoups de claques dans le dos. Y était temps que tu fasses tes preuves ! Si tu
     veux, j’peux te faire profiter de mes bons conseils…
    — Arrête de t’péter les bretelles, Ti-Georges Gagné, l’apostropha Marguerite,
     réveillée par le chahut. Allez, p’tit coq, rentrons nous coucher, j’en peux pus,
     dit Marguerite en bâillant. J’va revenir à soir préparer le repas,
    
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