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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac
Autoren: Anne Tremblay
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voyons matante, ils vont le sortir de là, vous allez voir, monsieur
     Rousseau a rien, je suis sûre… mentit Julianna.
    — Allez, François-Xavier, reste pas là, attache-moé, j’vas descendre
     voir.
    Mais Ti-Georges ne remonta que des mauvaises nouvelles. Il avait pu toucher le
     bras d’Ernest qui dépassait du côté de la bête agonisante et il n’avait senti
     aucun pouls. Monsieur Rousseau avait bel et bien été écrasé à mort…
    Ce ne fut pas facile de remonter le corps d’Ernest. Avant, il fallaithisser celui du cheval qui était mort lui aussi quelques
     minutes plus tard.
    Le visage fermé, François-Xavier agissait comme par mécanisme avec des gestes
     sûrs, les dents serrées. Quand enfin, aidés des voisins accourus aussitôt
     informés, ils vinrent à bout de cette triste besogne, le jeune homme tint à
     transporter lui-même le cadavre de son père. Il ne voulut pas l’emmener dans la
     nouvelle demeure et préféra le prendre dans ses bras. Après avoir ordonné que
     personne ne le suive, à pied, il se rendit jusqu’à la ferme paternelle tandis
     que Ti-Georges allait rejoindre sa Marguerite qui réconfortait les femmes. Dans
     la cuisine de l’ancienne maison, François-Xavier étendit le corps sur la longue
     table de bois. Délicatement, il lui fit sa dernière toilette, l’habilla de son
     costume de mariage et lui mit ses beaux souliers neufs. Puis il alla chercher
     une vieille porte de grange qu’il se rappelait avoir vue dernièrement derrière
     la maison de son père et la cala solidement entre deux chaises dans le salon. Il
     la recouvrit d’une belle nappe blanche avant d’y déposer doucement son père. Il
     lui croisa les mains, entrelaçant son chapelet entre ses doigts. À côté de sa
     tête, il déposa sa pipe préférée, celle du dimanche et avec un peigne, lui lissa
     soigneusement les cheveux.
    — Papa… lui murmura-t-il tendrement, oh papa comme vous allez me manquer…
    François-Xavier ne put retenir une larme qui tomba lourdement sur une paupière
     close du défunt. Lentement la goutte glissa le long du visage figé et ce fut
     comme si le père et le fils pleuraient ensemble cette déchirante
     séparation.

    Ce fut une fin d’été bien triste. Julianna ne put convaincre sa marraine de
     venir habiter avec elle et François-Xavier. Léonie était résolue às’installer définitivement à Montréal. Elle se sentait coupable
     de la mort de son mari, persuadée que c’était parce qu’elle avait failli à sa
     promesse de ne jamais plus se laisser aimer par un homme. Si elle avait discuté
     de cela avec quelqu’un, il est probable qu’on lui aurait enlevé cette fausse
     idée de la tête, mais le chagrin embrouille tant de choses… Pour se punir, elle
     avait décidé de vivre une vie de recluse dans sa demeure montréalaise loin de
     ceux qu’elle aimait. Elle avait privé Ernest de la joie de connaître son premier
     petit-enfant dont Julianna avait annoncé la venue pour le printemps, alors elle
     s’en priverait aussi. Léonie était déterminée cette fois à ne jamais revenir à
     la Pointe quoiqu’elle ait assuré du contraire sa filleule pour ne pas
     l’inquiéter.
    Quand sa femme lui avait appris sa grossesse, François-Xavier avait souri pour
     la première fois depuis le tragique accident. Mais quand Julianna voulut lui
     faire plaisir en lui offrant de prénommer leur bébé Ernest ou Ernestine, en
     mémoire de son père, François-Xavier ne voulut rien entendre.
    — Y a assez de nous deux qui portent des noms de défunt.
    — C’est comme un hommage… fit remarquer Julianna déconcertée.
    — Non, c’est un ombrage au droit à sa propre existence. C’est une lâcheté de
     reporter nos regrets sur un enfant. Ce bébé-là viendra pas au monde avec ce
     poids. Ce sera à moé d’y faire connaître le grand homme qu’a été son grand-père,
     pas à lui de me le rappeler.
    Alors Pierre ou Pierrette grandissait dans le ventre de Julianna qui
     s’émerveillait tous les jours de ce miracle. Elle adorait déjà ce petit être en
     essayant de l’imaginer, ayant hâte de le faire téter. Quand elle le sentait
     bouger, elle s’arrêtait pour prendre le temps de s’amuser avec lui. Le jeu
     consistait à une légère pression du bout des doigts à un endroit du ventre et
     d’attendre la réponse du bébé. Immanquablement, un petit coup repoussait le
     doigt enfoncé. Ils passèrent l’hiver
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