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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac
Autoren: Anne Tremblay
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pas vraiment, fut obligée d’admettre Léonie devant l’air épanoui de
     son mari.
    — Bon, ben baptême, pose-moé pus jamais de questions idiotes à la
     François-Xavier !
    — Juré, promis, mon bon Ernest, juré promis, répondit-elle en lui tapotant
     affectueusement la main.
    — Ah non, jure pus jamais non plus ! Tu l’sais, toé, ça te fait pas de jurer
     des choses !
    Tous les deux éclatèrent de rire, tels les époux, les amants et les complices
     qu’ils étaient devenus.

    Malgré les préparatifs découlant de la double noce, on avait pris le temps de
     voir sérieusement à l’avenir de chacun. Après bien des soirées à discuter dans
     la maison de Ti-Georges, il avait été convenu que celui-ci s’associerait à la
     fromagerie. De toute façon, l’entreprise était si florissante que
     François-Xavier avait envisagé d’engager un homme supplémentaire, alors plutôt
     que d’embaucher un pur étranger, mieux valait faire équipe avec son grand ami
     d’enfance en qui il avait la plus entière confiance. D’autant plus que
     maintenant, ils faisaient tous partie de la même famille… Ti-Georges voulut
     garder sa ferme, pour quelque temps en tout cas. Ernest et Léonie habitaient
     l’ancienne maison et se promettaient d’aller séjourner de temps à autre à
     Montréal tandis que François-Xavier et Julianna avaient emménagé dans la neuve,
     évidemment. On en avait terminé la construction juste à temps pour le mariage.
     En fait, il ne restait plus qu’à creuser le puits. Ernest, qui avait
     l’expérience de ce genre d’opération, s’y mit dès son retour de voyage de
     noces.
    Le jour du forage, une canicule comme on n’en avait pas connue
     depuis des années fondit sur toute la région. On avait peine à respirer tant
     l’air était lourd. Malgré cette grosse chaleur, Ernest, Ti-Georges et
     François-Xavier s’acharnèrent au travail. À la pause du midi, les trois hommes
     furent bien contents de constater que la profondeur du puits atteindrait bientôt
     les dix pieds.
    — On arrête pour manger, son père, décréta François-Xavier. Léonie a préparé
     des bons œufs à la coque dans le vinaigre, comme vous les aimez.
    — J’arrive, aide-moé à sortir du trou, mon garçon.
    François-Xavier tendit la corde à son père dont le travail consistait à
     descendre dans le puits pour remplir le seau de terre boueuse que Ti-Georges
     faisait remonter à l’aide de son cheval avant que François-Xavier n’aille le
     déverser plus loin. Sale, plein de boue, clignant des yeux sous la soudaine
     clarté, Ernest émergea à l’air libre. Il put enfin respirer un bon coup…
    — Sortez pas du trou, monsieur Rousseau, lui dit Ti-Georges, vous êtes ben
     mieux à la fraîche dans la terre que moé au soleil à tenir le cheval.
    — Arrête de te plaindre, baptême, sinon c’est toé qui descends après le dîner,
     le menaça-t-il en s’extirpant complètement du puits.
    — Mon doux Seigneur que t’es crotté mon pauvre Ernest ! s’exclama Léonie en
     arrivant avec les victuailles.
    — J’rentrerai pas emmanché de même dans les couvertes à soir, j’te le promets,
     l’agaça son mari.
    — Ernest, le réprimanda Léonie en rougissant un peu. Tu mériterais rien que
     Julianna te verse sa chaudière d’eau sur la tête.
    À la demande de Léonie, sa filleule avait été remplir le gros récipient de
     métal au lac pour que les hommes puissent se débarbouiller avant le dîner.
    — C’est pas une mauvaise idée ça, marraine ! C’est gênant
     d’avoir un beau-père sale comme un cochon.
    Et d’un grand élan, elle en vida le contenu sur Ernest, l’aspergeant des pieds
     à la tête.
    — Ah ben baptême, que c’est que t’attends, mon fils, pour mettre cette créature
     à ta main ? dit Ernest en parlant de Julianna.
    — Moé ?, eut de la peine à répondre François-Xavier tant il riait à la vue de
     son père, dégoulinant, de larges traînées brunâtres striant son visage.
     J’attends juste que vous me montriez comment vous réussissez à faire ça avec
     votre propre femme ! C’était son idée, le seau d’eau !
    — J’pense que j’ferais mieux de m’en retourner au lac chercher de l’eau, moé,
     dit Julianna devant le regard mauvais que lui lança son beau-père.
    — J’viens avec toé, p’tite sœur, décida Ti-Georges qui avait assisté à la scène
     du coin de l’œil tout en
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