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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812
Autoren: André Castelot
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l'Empereur à
Talleyrand, et la tranquillité de la France me le demande. Je
n'ai point de successeur. Joseph n'est rien et il n'a que des filles.
C'est moi qui dois fonder une dynastie. Je ne puis la fonder qu'en
m'alliant à une princesse qui appartienne à une grande
maison régnante de l'Europe. L'Empereur Alexandre a des sœurs
: il y en a une dont l'âge me convient.

    Il s'agissait
d'Anne Pavlovna. Pressenti, l'empereur Alexandre devait répondre
au messager de Napoléon :

    – S'il ne
s'agissait que de moi, je donnerai volontiers mon consentement, mais
il n'est pas le seul qu'il faut avoir ; ma mère a conservé
sur ses filles un pouvoir que je ne dois pas lui contester. Je puis
essayer de lui donner une direction ; il est probable qu'elle la
suivra, mais je n'ose cependant pas en répondre. Tout cela,
inspiré par une amitié très vraie, doit
satisfaire l'empereur Napoléon.

    Les choses
n'allèrent pas plus loin, puisque Joséphine se trouvait
encore sur le trône et ne sera répudiée qu'une
année plus tard.

    Un soir,
Talleyrand, en arrivant chez la princesse de Tour et Taxis, remarque
que le visage d'Alexandre « n'avait pas son expression
ordinaire. Il était visible, racontera-t-il, que ses
incertitudes existaient encore et que ses observations sur le projet
de traité n'étaient pas faites ».

    – L'Empereur
vous a-t-il parlé ces jours-ci ? fut la première
question d'Alexandre.

    – Non,
Sire... Et si je n'avais pas vu le baron de Vincent, je croirais que
l'entrevue d'Erfurt était uniquement une partie de plaisir.

    – Que dit M.
de Vincent ?

    – Sire, des
choses fort raisonnables, car il espère que Votre Majesté
ne se laissera pas entraîner par l'empereur Napoléon
dans des mesures menaçantes ou au moins offensantes pour
l'Autriche ; et si Votre Majesté me permet de le lui dire, je
forme les mêmes vœux.

    L'amitié,
qui a déclenché les applaudissements le soir de la
représentation d' Œdipe , cette « Amitié
très vraie » dont lui a parlé le tsar, ne
fait pas l'affaire de M. de Talleyrand, champion du double jeu.
L'alliance se conclura sur le dos de l'Autriche, alors que M. le
prince de Bénévent n'a qu'une idée en tête
: réussir l'alliance de la Russie et de l'Autriche contre Napoléon. Aussi le vice-grand-électeur de l'Empire
franchit-il le premier pas sur le chemin de la trahison – il en
fera d'autres, mais celui-ci pose bien sa marque ! Il ose, en effet,
déclarer à Alexandre en aparté, comme s'il
s'agissait d'une chose toute naturelle :

    – Sire, que
venez-vous faire ici ? C'est à vous de sauver l'Europe et vous
n'y parviendrez qu'en tenant tête à Napoléon. Le
peuple français est civilisé, son souverain ne l'est
pas. Le souverain de Russie est civilisé, son peuple ne l'est
pas. C'est donc au souverain de Russie d'être allié du
peuple français. Le Rhin, les Alpes, les Pyrénées
sont les conquêtes de la France. Le reste est la Conquête
de l'Empereur. La France n'y tient pas !

    On devine
l'ébahissement du tsar écoutant ces paroles du
vice-grand-électeur de l'Empire français ! M. le prince
de Bénévent vient de se rendre coupable d'un « acte
formel de trahison », ainsi que l'a très bien
remarqué Louis Madelin. Il s'en défendra d'ailleurs
fort peu, et en tirera même un jour presque de la gloire.
D'autres l'en ont défendu en tentant d'expliquer que
Talleyrand avait trahi en l'Empereur et non le pays. Selon eux, sa
politique, infiniment plus sage que celle de Napoléon, aurait
visé à faire tomber, peu à peu, l'alliance russe
qui embarquait la France dans l'aventure d'Orient, pour ramener
celle-ci à la politique austrophile qui permettait de tenir à
la fois en respect la Prusse en Allemagne et la Russie en Orient.
L'argument est spécieux : en fait, le prince trahissait la
France en trahissant le souverain ; l'Empereur était, à
cette heure, engagé dans une voie difficile, mais la France
était engagée avec lui. « Si Napoléon
ne tirait pas d'Erfurt les résultats qu'il en attendait, à
savoir le resserrement de l'alliance franco-russe, et en conséquence
l'engagement formel et sincère pris par le tsar d'empêcher
l'Autriche d'armer, la France était menacée autant que
l'Empereur de voir se rouvrir l'ère des coalitions. »

    On le devine, à
la suite des « conseils » donnés par
Talleyrand au tsar, les conversations traînent... s'enlisent
même. « Au bout de huit jours, racontera
Caulaincourt, chacun sondait encore
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