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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville
Autoren: Jean-Pierre Charland
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renouveler. D'un côté il a apprécié votre conscience professionnelle, mais il se demande encore où vous allez à la messe.
    Dans une petite ville comme Québec, le recteur avait discuté de l'un de ses professeurs avec le premier ministre !
    Descôteaux fit une pause avant de demander encore :
    —    C'est tout ce que vous voulez de moi: l'assurance que rien ne va nuire à votre vie professionnelle et une petite intervention auprès de M& r Neuville ?
    —    J'ajouterai seulement ceci: je trouverais peu rassurant de voir l'un des trois jeunes hommes encore vivants accéder à une fonction publique.
    —    Cela m'inspirerait le même sentiment, soyez-en certain.
    Renaud se leva, soudainement très las de toute cette histoire. Il avait juste hâte de passer à autre chose. Le premier ministre se leva aussi, le reconduisit à la porte de son bureau. Il lui tendit la main en disant :
    —    Bonne chance, monsieur Daigle. Nous nous reverrons dans un meilleur contexte bientôt, j'en suis sûr.
    L'avocat accepta la main tendue et s'en alla.
    Les semaines passaient dans une tranquillité relative. Renaud donnait ses derniers cours et se préparait à administrer l'examen final. Henri Trudel n'était pas revenu en classe. Michel Bégin et Jacques Saint-Amant avaient été absents le mercredi suivant la mort de Lafrance et Marceau, pour réapparaître ensuite, une grande morosité sur le visage. Leurs camarades expliquaient leurs mines déprimées par les décès récents. Trois de leurs amis venaient de disparaître en peu de temps. En effet, Fitzpatrick avait rendu l'âme. Sa mésaventure eut une conséquence inattendue : pendant quelques mois, les étudiants se raréfièrent dans les bordels, sensibles tout d'un coup aux informations qui circulaient sur les dangers de la syphilis.
    Dans un autre ordre d'idées, Renaud pensait à Virginie. Tous les deux craignirent d'abord qu'on la reconnaisse. Ils imaginaient que, tôt ou tard, dans l'ascenseur du Morency par exemple, un homme la pointerait du doigt en disant :
    — Lara, tu n'es plus au Chat ?
    Cela ne se produisit pas, un peu par chance, beaucoup parce que ses robes sages, son chapeau cloche et ses cheveux de plus en plus longs faisaient un excellent déguisement. En plus, un peu myope, ses lunettes à monture d'écaille au milieu du nez lui conféraient l'allure d'une institutrice adorable, pas d'une femme de mauvaise vie.
    Surtout, Renaud s'interrogeait. Elle était la plus rassurante des maîtresses, émue par toutes les manifestations de tendresse. Jamais elle n'affichait l'ombre d'un gramme de curiosité pour les autres hommes. Elle se révélait agréable à vivre, se réjouissant des choses les plus routinières : s'occuper d'un appartement, préparer un repas, lire, parler, aller voir un film. Tout au plus souffrait-elle fréquemment de longues absences, plongée dans son passé. Un peu comme les vétérans revivant leur séjour au front, elle se remémorait son passage au Chat. Dans ces moments, découvrit Renaud, le mieux était de ne rien dire et de lui masser doucement le dos et les épaules. Elle se détendait bientôt et lui disait un petit «Merci» dans un sourire.
    Après trois semaines, l'homme aimait s'endormir en la tenant contre lui et s'éveiller de la même façon. Quand il prenait à la jeune femme la fantaisie de coucher dans son appartement, il s'ennuyait ferme. Lors de ses nuits d'insomnie, une grande question lui trottait dans la tête: « Epousait-on une prostituée ? »
    Certaines d'entre elles se mariaient. Jamais à un notable. Une union comme celle-là pouvait faire de lui un paria. Peut être pas, s'il réussissait à garder le secret. Puis Virginie était pudique, sensible, généreuse, cultivée. Il était terriblement tenté de courir le risque. Surtout en jour de la fin d'avril où, après avoir fait l'amour - il avait embrassé toutes les taches de rousseur sur son corps -, ils somnolaient dans un bain chaud, elle appuyée contre sa poitrine, au creux de ses bras. Il affichait un sourire béat quand elle murmura :
    —    Je suis si heureuse.
    Il y eut un long silence, puis elle ajouta :
    —    Tu sais que je suis amoureuse de toi ?
    Elle le disait pour la première fois. Il n'hésita presque pas avant de répondre :
    —    Moi aussi, je t'aime.
    Si les femmes avaient ronronné, ce serait arrivé à Virginie à ce moment précis. Il ajouta :
    —    Ce voyage sera une bonne occasion pour se
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