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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville
Autoren: Jean-Pierre Charland
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vieille fille.
    —    Je n'ai aucune pitié. Le cours des choses m'attriste. Les dieux se sont joués de nous.
    —    J'ai beaucoup pensé à cela. Helen a été séduite par l'air torturé d'Henri, en juillet dernier. L'aurait-elle trouvé trop prétentieux, s'il n'avait pas été terrorisé par cette affaire ? Elle a aimé Henri, vous avez aimé Helen, je vous ai aimé. Si nous nous étions croisés sur la terrasse Dufferin, ou au thé dansant du Château Frontenac, qui sait ?
    —    Vous êtes assurément l'une des femmes exceptionnelles que j'ai rencontrées dans ma vie.
    Élise le regarda longuement avant de murmurer :
    —    L'une des femmes ?
    —    Oui.
    —    L'autre a beaucoup de chance.
    Qu'ajouter? Renaud avait toutes les réponses à ses questions. Il se leva, son interlocutrice aussi. Il mit les mains sur ses épaules et l'embrassa sur les deux joues.
    —    Je vous souhaite de trouver ce que vous cherchez. Je vais être très indiscret et réitérer mon conseil puis en ajouter un autre. Éloignez-vous du clan. Allez à Ottawa ou achetez un billet pour une croisière autour du monde. N'importe quoi, mais sans votre famille.
    Il avait beaucoup trop parlé. Il descendit les marches de l'escalier deux par deux, la laissant des larmes dans les yeux.
    Descôteaux trônait derrière son grand bureau de premier ministre. Il essayait d'en imposer au jeune député assis devant lui. Il lui avait montré le fauteuil un peu plus bas que les autres, pour qu'il se sente écrasé. Ces petits trucs faisaient de lui un chef.
    —    Alors, mon cher jeune collègue, croyez-vous devenir le chef des conservateurs de la province ?
    Devant lui, Camilien Houde s'était calé dans le fauteuil trop bas comme s'il détestait s'asseoir à une hauteur normale.
    La succession d'Arthur Sauvé, chef des conservateurs du Québec, ne lui était pas acquise. Il déclara pourtant avec mu' belle assurance :
    —    Ne craignez rien, vous ne ferez pas face à un autre chef de l'opposition que moi. Ensuite, je prendrai votre place.
    —J'admire votre bel optimisme. Cela vous prendra du temps, si vous y arrivez jamais.
    —Je suis jeune. C'est un avantage, en politique. Vous avez le temps de commettre bien des erreurs avant que je prenne ma retraite.
    La conversation ne prenait pas du tout la tournure attendue par le premier ministre. Il se sentit soudainement mal à l'aise au moment de demander:
    —    Votre Parti a-t-il l'intention de se servir des rumeurs sur l'affaire Blanche Girard lors de la prochaine élection ?
    —    Nous y avons longuement réfléchi. La population doit conserver son respect pour les institutions politiques et pour l'appareil judiciaire. Le Parti n'y fera pas référence. De toute façon, cette histoire s'est terminée il y a quelques semaines, n'est-ce pas ?
    Que pouvait bien savoir ce gros homme vulgaire? Rien ! Il devait avoir entendu des rumeurs sur les deux jeunes gens décédés: il en avait circulé de toutes sortes. Descôteaux conclut :
    —    Le fracas sur l'affaire Blanche Girard a déjà nui beaucoup à la réputation de tous les politiciens.
    —    Il y a eu des maladresses de part et d'autre. Plus de votre part, puisque vous êtes au pouvoir, que de la nôtre. Vous tirez les ficelles, après tout.
    Houde regardait le premier ministre avec un sourire amusé.
    —    Une commission d'enquête sur l'administration de la justice, où votre Parti nommerait l'un des deux présidents, ramènerait la confiance des citoyens.
    —    Des témoins et des avocats des deux organisations viendront assurer que, dans cette affaire, tout s'est fait selon les règles... Puis, les journaux des deux côtés affirmeront que notre système est parfait...
    Descôteaux n'aimait pas vraiment cette façon de présenter les choses, mais il ne pouvait que répondre :
    —    C'est ça.
    Un long silence pesa sur lui. Il dut demander :
    —    Vous êtes d'accord ?
    Houde pinçait son double menton en réfléchissant. Il déclara enfin :
    —    C'est convenu.
    Le député se leva vivement, vint vers le premier ministre et tendit la main. Descôteaux scella leur accord en l'acceptant. Le visiteur serra trop fort ses doigts, et il les retint un long moment pour dire :
    —    Cela prendra peut-être cinq ans, peut-être dix ans, mais nous vous aurons sur un scandale. Pas l'affaire Blanche Girard, c'est promis. Mais vous ferez bien d'autres sottises, et nous vous
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