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Gilles & Jeanne

Gilles & Jeanne

Titel: Gilles & Jeanne
Autoren: Michel Tournier
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bras de Malestroit.
    L’audience interrompue est reprise l’après-midi. Gilles apaisé, transformé, fait acte de soumission envers le tribunal :
    — Je reconnais comme juges compétents de ma cause l’évêque Jean de Malestroit, le promoteur Jean de Blouyn et son assistant Guillaume Chapeillon, curé de Saint-Nicolas, ainsi que ses assesseurs Guillaume de Malestroit, évêque du Mans, Jean Prigent, évêque de Saint-Brieuc, Denis Lohérie, évêque de Saint-Lô, et Jacques de Pontcoëdic, official de l’église de Nantes.
    « Je leur demande bien humblement pardon pour les injures et les paroles blessantes que j’ai proférées à leur endroit dans mon aveuglement. »
    Après cette déclaration faite à voix basse et monotone, on vit les toques, mitres, barrettes et calottes du tribunal s’incliner les unes vers les autres : ces messieurs se consultaient. Puis Jean de Malestroit prononça :
    — Pour l’amour de Dieu, tes juges t’accordent le pardon que tu implores.
    — Suis-je toujours excommunié ? voulut savoir Gilles.
    — Le décret d’excommunication qui te frappait est levé. Tu es réintégré dans le sein de notre mère l’Église.
    Ces derniers mots parurent lui rendre la vie. Il se redressa et, regardant du haut de sa stature la brochette d’assis qui lui faisait face :
    — De mon côté, dit-il, je reconnais la véracité absolue des témoignages atroces déposés contre moi. Il n’est pas un détail des dépositions faites par parole ou par écrit qui ne soit exact. Depuis le Christ mourant sur la croix chargé de tous les péchés du monde, pas un être n’a eu à répondre d’autant de crimes. En vérité je suis l’homme le plus exécrable qui fut jamais. L’énormité de ma faute est insurpassable.
    Il y avait tant d’orgueil dans ces aveux que les juges se sentirent humiliés plus encore que sous les injures dont Gilles les avait accablés l’avant-veille. Malestroit se pencha vers Blouyn :
    — Il se prend pour Satan ! lui dit-il.
    — C’est pourquoi, reprit Gilles, je vous conjure de m’appliquer sans faiblesse ni atermoiement la peine la plus lourde qui soit, persuadé qu’elle sera encore trop légère pour mon infamie.
    « Mais je vous supplie en même temps de prier ardemment pour moi, et, si votre charité en a la force, de m’aimer comme une mère aime le plus malheureux de ses enfants. »

23
 
    Dès lors Gilles assista, raide et figé comme une statue, à l’interminable défilé des témoins, dont chacune des paroles retombait sur sa tête comme une pierre. Ce furent d’abord les parents des jeunes victimes disparues, et notamment :
    Nicole, femme de Jean Hubert, de la paroisse de Saint-Vincent :
     
    J’avais un fils nommé Jean, âgé de quatorze ans. Il fut abordé à Nantes où séjournait le sire de Rais par un nommé Spadine qui demeurait avec ledit sire de Rais. Ce Spadine donna à l’enfant une miche qu’il nous porta, disant que le sire de Rais souhaitait qu’il reste avec lui. Nous lui avons dit que c’était bien ainsi. Sur quoi l’enfant est parti avec ce Spadine pour ne plus jamais reparaître. Mon homme, Jean Hubert, s’est rendu au château de la Suze pour interroger Spadine sur le sort du petit Jean. La première fois Spadine lui a répondu qu’il ne savait pas. La seconde fois, il a refusé de recevoir Jean Hubert.
     
    Jean Darel, de la paroisse de Saint-Séverin :
     
    Il y a un an et plus, alors que j’étais malade au lit, Olivier, alors âgé de sept à huit ans, s’ébattait avec d’autres enfants dans la rue du Marché, le jour de la Saint-Pierre. Olivier n’est pas revenu à la maison, et personne ne l’a plus revu.
     
    Jean Férot et sa femme :
     
    Il y a deux ans lors de la Saint-Jean-Baptiste, Régnaud Donète, aujourd’hui décédé, se louait chez nous pour faire le métier de boulanger, et souvent un sien fils âgé de douze ans venait qui enfournait le pain avec lui. Mais plusieurs fois nous avons vu que, lorsqu’il avait préparé une demi-fournée, s’il savait que le sire de Rais était dans la ville, il quittait le fournil et s’en allait dans la maison dudit sire de Rais. Et nous ne savons pas ce qu’il y faisait. Or, un jour, que nous ne pouvons pas préciser, mais l’avons vu partir, et jamais, depuis ce jour, nous ne l’avons vu revenir.
     
    André Barre, cordonnier, demeurant à Machecoul :
     
    Depuis Pâques, j’ai entendu dire que le fils de mon ami Georges Le
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