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Gilles & Jeanne

Gilles & Jeanne

Titel: Gilles & Jeanne
Autoren: Michel Tournier
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Barbier a été perdu. On l’a vu pour la dernière fois cueillir des pommes derrière le château de Machecoul. Certains voisins avaient dit à Georges Le Barbier qu’il prenne garde à son enfant lequel risquait d’être pris, car le bruit courait qu’à Machecoul on mangeait les petits enfants.
     
    Jeanne, veuve d’Aymery Édelin, demeurant à Machecoul :
     
    J’avais un garçon de huit ans qui allait à l’école et qui était très beau, très blanc et très capable. Il demeurait avec sa grand-mère devant le château de Machecoul. Il a disparu sans que je puisse savoir ce qu’il est devenu. Et vers le même temps, un enfant de Roussin et un autre de Jeudon. Et environ quinze jours après, un enfant de Macé Sorin a été également perdu. Comme on entendait des plaintes, on a imaginé que ces enfants avaient été donnés pour la libération de messire Michel de Sillé, prisonnier des Anglais, lesquels auraient exigé comme rançon vingt-quatre enfants mâles.
     
    Thomas Aisé et sa femme, demeurant à Machecoul :
     
    Étant des pauvres gens, au temps de la Pentecôte, nous avons envoyé un de nos fils âgé de dix ans demander l’aumône au château. Nous ne l’avons pas revu, et nous n’en avons pas de nouvelles à une exception : une petite fille d’un voisin, ayant mendié en même temps au château, a raconté que premièrement on avait donné du pain à part aux filles, et qu’un serviteur avait dit aux garçons qu’ils auraient de la viande s’ils entraient dans la salle. Elle les a vus entrer.
     
    Péronne Lossart, demeurant à La Roche-Bernard :
     
    Au mois de septembre, il y a deux ans, le sire de Rais, venant de Vannes, avait logé à l’auberge de Jean Colin située en face de chez moi. C’est ainsi que l’un des serviteurs du sire de Rais, un nommé Poitou, s’intéressa à mon fils qui avait dix ans et qui allait à l’école. Il me demanda de laisser partir l’enfant avec lui. Il l’habillerait et le nourrirait très bien et lui ferait de grands avantages. Alors je lui ai dit que l’enfant avait bien le temps, et que je ne le retirerais pas de l’école. Sur quoi il me dit qu’il l’enverrait lui-même à l’école, et qu’il me donnerait quatre livres. J’ai laissé l’enfant partir avec lui. Et il l’emmena à l’auberge de Colin. Le lendemain, comme le sire de Rais sortait de l’auberge, je l’ai abordé pour lui recommander l’enfant qui était avec lui. Il ne m’a rien dit, mais à Poitou, il dit que cet enfant avait été bien choisi, et qu’il était beau comme un ange. Peu après, ils achetèrent un petit cheval à Colin pour l’enfant, et ils partirent en cortège. Depuis, malgré tous mes efforts, je n’ai pu obtenir de nouvelles de mon fils.

24
 
    Des nouvelles de tous ces enfants, on devait en avoir bientôt. L’interrogatoire d’Étienne Corrillaut, dit Poitou, et d’Henriet Griart, chambriers du sire de Rais, devait révéler ce qui leur advenait derrière les murs de Tiffauges, Champtocé et Machecoul.
    — Après que le sire de Rais a eu transféré la possession du château de Champtocé au seigneur duc de Bretagne, raconte Poitou, il a voulu y retourner une dernière fois avec moi. Avant d’arriver à ce château de Champtocé, il m’a fait arrêter et a voulu que je jure de ne jamais révéler ce que j’allais voir.
    — Et pourtant tu vas nous dire maintenant ce que tu as vu à Champtocé.
    — Dans la tour du château, il y avait des ossements d’enfants.
    — De combien d’enfants ?
    — Il fallait tout mettre très vite dans des coffres liés avec des cordes. Je n’ai pu les compter. Mais d’après les crânes, il devait y en avoir trente-six à quarante-six.
    — Et qu’avez-vous fait de ces ossements ?
    — Nous les avons transportés à Machecoul, dans la chambre du sire de Rais, et là, avec son aide, nous les avons brûlés dans la cheminée. Les cendres ont été dispersées dans les douves du château.
    — Que se passait-il dans cette chambre du sire de Rais à Machecoul ?
    — C’était là que Sillé, Henriet et moi-même nous menions les enfants qu’attendait le sire de Rais.
    — As-tu été témoin de ce que le sire de Rais faisait subir à ces enfants ?
    — Oui. Le sire de Rais pour exercer sur ces enfants, garçons et filles, ses ardeurs charnelles prenait premièrement sa verge…
    — Tais-toi ! Pas un mot de plus !
    Le promoteur Jean de Blouyn s’est levé. Il dégrafe sa
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