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Funestes présages

Funestes présages

Titel: Funestes présages
Autoren: Paul C. Doherty
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l’abbaye. Elle n’est peut-être point luxueuse, mais nous sommes dans une maison de prières et non dans une taverne ou une auberge de Londres. Secundo, le pré est une pâture. Tertio, comme vous ne l’ignorez pas, j’ai maille à partir avec Lady Margaret Harcourt à propos de la propriété de Falcon Brook d’où nous devrions puiser l’eau pour cette nouvelle hôtellerie. Frère Cuthbert, vous avez en personne rendu visite à Lady Margaret à maintes reprises : vous savez qu’elle ne s’intéresse ni à moi ni à cette abbaye. Mon nom, Dieu seul sait pourquoi, la fait reculer de dégoût et elle proclame que j’empiète déjà sur ses droits. Si nous tentions de tirer de l’eau de Falcon Brook, elle ferait, c’est certain, appel au Conseil royal à Londres.
    L’abbé se taisait et les frères, assis autour de la large table de chêne ovale, maugréaient entre leurs dents. Ils échangeaient des coups d’oeil et levaient les yeux au ciel. Sur ce sujet, ils tombaient d’accord avec leur abbé : bien que Lady Margaret Harcourt soit une recluse, une veuve plongée dans ses souvenirs et ses rêves, c’était une redoutable adversaire de l’abbé Stephen. Si le bétail ou les moutons de l’abbaye paissaient sur ses terres, si un serviteur s’aventurait dans ses champs, elle jetait de hauts cris pour atteinte à la propriété privée. Elle vivait peut-être comme une veuve éplorée, mais elle avait l’oreille d’habiles hommes de loi à Lincoln comme à Ely.
    L’abbé Stephen en venait enfin à son motif le plus valable.
    — Et puis il y a le tumulus, la tombe du roi au centre de la prairie. Avons-nous le droit de profaner ce tombeau ?
    — Mon père, rétorquait Cuthbert, comment pouvons-nous être sûrs qu’il s’agit d’un caveau royal ?
    — Nous ne le pouvons pas, répondait l’abbé Stephen. Mais, selon les anciennes chroniques conservées dans notre bibliothèque, c’était le lieu du dernier repos de Sigbert, autrefois roi de la contrée, qui a combattu les Vikings païens. Il a protégé notre sainte mère l’Église et a été capturé et martyrisé – tué à coups de gourdin. D’après la tradition son corps a ensuite été récupéré par ses disciples, qui l’ont enterré décemment dans notre pré. J’estime qu’il est malséant de violer cette tombe.
    — Mais ne pourrions-nous fouiller pour nous en assurer ? protestait le prieur Cuthbert. Comment savons-nous si quelqu’un est en réalité enseveli là-bas ? La prairie est nôtre et le tumulus se trouve dans le domaine de l’abbaye. Il n’y a sans doute aucun mal à creuser un tunnel dans le tumulus pour voir ce qu’il en est, n’est-ce pas ? Si Sigbert y est enterré, continuait-il avec un accent de triomphe, alors, en tant que saint et martyr, ses restes sacrés ne pourraient-ils être transférés dans un site consacré comme notre église abbatiale ? Notre monastère deviendrait de fait un véritable lieu de pèlerinage.
    L’abbé Stephen avait un geste de refus.
    — Cela n’est point de notre ressort. Tant que je serai abbé de St Martin, cela ne se fera pas.
    Cuthbert s’appuya contre le portail, contempla le ciel et pria pour garder patience. Les paroles résonnaient encore dans son esprit : « Tant que je serai abbé de St Martin... »
    Combien de temps le père Stephen le resterait-il ? Ancien soldat, homme grand et vigoureux, il pouvait occuper ce poste encore vingt ou trente ans. Le rêve du prieur Cuthbert se changerait en cauchemar, en années de frustration, d’espérances déçues et d’espoirs anéantis. Il imaginait la nouvelle hôtellerie avec ses solides bâtiments, son petit cloître et sa roseraie. Il s’était penché longuement sur les plans avec frère Gildas, leur architecte tailleur de pierre. Il avait sollicité des entrevues privées avec l’abbé, mais la réponse était toujours la même.
    — Tant que je serai abbé de St Martin, Bloody Meadow servira de pâturage à nos troupeaux.
    Le prieur Cuthbert frappa le sol de sa sandale. Bloody Meadow ! Le nom était approprié {4} ! Tradition et chroniques anciennes narraient que c’était là que Sigbert avait rencontré les Vikings païens et les avait combattus de l’aube au crépuscule. Son armée s’était débandée, mais Sigbert avait tenu bon et avait lutté avec ses manants jusqu’à ce qu’ils aient été occis les uns après les autres. Sigbert, lui, avait été fait prisonnier ; en échange de sa
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