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Funestes présages

Funestes présages

Titel: Funestes présages
Autoren: Paul C. Doherty
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hurlant comme des loups, parcouraient les étendues désolées des fens, surtout par les nuits de brume, quand les feux follets dansaient sur les marais. Les bons frères toléraient le Gardien. S’il n’était point trop propre, il vivait d’une façon austère et sans vergogne. S’il avait envie de voir des choses qu’eux ne voyaient pas, pourquoi s’en seraient-ils souciés ? Dans l’ensemble, leur existence était empreinte du calme et de la sérénité engendrés par la foi. Néanmoins, à partir de la veille de la fête de saint Léon le Grand, le 10 novembre de l’an de grâce 1303, dans la trente et unième année du règne du roi Édouard, ils durent réviser en hâte leur opinion, car pendant la nuit le démon et toutes ses hordes se manifestèrent et ouvrirent une brèche dans les murailles de St Martin.
    Le prieur Cuthbert, puissant lieutenant de l’abbé Stephen et chef du concilium, le conseil des principaux dignitaires de l’abbaye, était sans nul doute inquiet. Grand et les sourcils broussailleux, il n’avait pas regagné ses appartements après que ses frères – affalés dans leurs stalles, les yeux lourds de sommeil – se furent levés pour entonner les belles hymnes de matines. Le prieur Cuthbert était si perdu dans ses pensées qu’il avait quitté St Martin par le portail au cernel {2} pour gagner l’orée de Bloody Meadow. La nuit était froide et claire et les étoiles, dans le ciel sans nuages, pendaient comme des glaçons. Le prieur embrassa du regard la grande prairie circulaire et l’herbe gelée qui scintillait sous la lumière blanche de la pleine lune. Le pré, bordé de chênes majestueux, s’étendait des murs de l’abbaye jusqu’à Falcon Brook d’où s’élevait la brume. Au matin, plus épaisse, elle enveloppait les arbres et le prieur Cuthbert voyait déjà briller les feux follets. Les paysans de la contrée affirmaient que c’était des chandelles portées par des démons : s’ils s’approchaient plus ou moins, cela signifiait que quelqu’un allait mourir. Un sourire fendit le visage émacié de l’homme à la simple idée de ces histoires. Le frère Francis, leur savant archiviste et bibliothécaire, ne prétendait-il pas que ces lueurs n’étaient que des gaz infects émis par les marais et qu’il ne fallait pas les redouter ? Cuthbert s’abrita à l’ombre du portail, les mains glissées dans les larges manches de sa robe de laine noire. Il ne cessait, pour bien des raisons, de penser à cet endroit. Il arrivait régulièrement que lui et le concilium s’opposent à l’abbé Stephen à son sujet en soutenant que la prairie, qui servait de pâture, était l’emplacement idéal pour édifier une grande hôtellerie, un bâtiment neuf et vaste, pourvu d’un dortoir, d’un réfectoire, de cuisines et d’arrière-cuisines, de resserres et de caves afin de recevoir, de façon plus confortable, les nombreux visiteurs de St Martin.
    — Nous devons la construire, père abbé, avait insisté le prieur Cuthbert. Notre maison gagne en notoriété au fil des ans. Le développement du commerce dans les ports de l’Est fait que nous sommes dorénavant le lieu de halte favori des marchands, sans parler de celui de Sa Majesté et des membres de la Cour.
    Il avait rassemblé ses arguments avec grand soin.
    — Le pré a une situation parfaite : il est hors de la clôture, mais assez proche pour...
    L’abbé Stephen, comme à l’accoutumée, les mains croisées dans son giron, s’agitait dans sa chaire qui avait tout d’un trône. Il écoutait avec attention quand, le prieur en ayant terminé, les autres se joignaient à lui : Francis le bibliothécaire, Aelfric l’infirmier, frère Hamo le sous-prieur, Richard l’aumônier {3} et les grands alliés de Cuthbert, Gildas le tailleur de pierre et Dunstan le cellérier. Ce dernier, surtout, était toujours un soutien fort éloquent.
    — Père abbé, nous en avons les moyens. Nos coffres sont pleins. Au printemps, nous pourrions extraire les pierres de la carrière et les apporter ici. En moins de dix-huit mois...
    La réponse ne variait pas. L’abbé Stephen se carrait dans sa chaire et, ses traits sévères torturés par la concentration, jouait avec les cordons de sa coule.
    — Je vous félicite tous, mes frères, pour votre dur labeur et votre zèle en la matière.
    Il énumérait sur ses doigts ses contre-arguments.
    — Primo, nous avons déjà une hôtellerie dans l’enceinte de
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