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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia
Autoren: Sara Poole
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reste, même la terreur des femmes qui semble se tapir chez tant d’hommes. Della Rovere respirait avec beaucoup de difficulté. Sa peau était déjà glacée au toucher. Une écume blanche se formait au coin de ses lèvres et son corps tout entier s’était raidi. Son dos se cambra lorsqu’il fut pris d’un nouveau spasme.
    Toutefois, il était encore pleinement conscient, comme venait me le confirmer l’affolement que je lisais dans ses yeux.
    Ce détail me rassura, car cela voulait dire qu’il n’avait ingéré qu’une petite quantité de la mixture que j’avais fabriquée.
    — Desserrez ses vêtements, sommai-je ses assistants.
    Me tournant vers l’un des secrétaires de Borgia, je m’écriai :
    — Retournez à l’appartement. Il y a une sacoche de cuir marron dans la petite chambre. Ramenez-la ici, vite.
    L’homme partit en courant. À ce moment-là, Borgia se pencha tout près de moi. D’un discret coup de coude, il attira mon attention sur ce qu’il avait dans la paume de sa main. Mon médaillon.
    — Où ? articulai-je en silence.
    Il inclina la tête en direction de la table où della Rovere était en train de prendre son dîner, il y avait une éternité de cela. À voix très basse, il expliqua :
    — Dessous. Peu subtil, mais si on l’avait trouvé à côté d’un cardinal mort, cela aurait été efficace.
    — Morozzi… ?
    — Envolé, j’en suis sûr.
    Et avec lui, tout espoir de venger mon père dans l’immédiat. Pendant un bref instant, l’angoisse me submergea. Mais j’ai toujours su être patiente. Si je parvenais quand même à hisser Borgia sur le trône de Saint-Pierre, je ferais tout au moins échouer le plan dont avait rêvé le prêtre fou pour faire mourir les juifs, et dans le même temps j’obtiendrais une arme formidable pour m’aider dans ma traque. La justice avait peut-être été retardée mais elle ne serait pas bafouée, pas tant que le sang coulait dans mes veines.
    En jetant un œil à della Rovere qui, j’en étais certaine, pouvait nous entendre, Borgia lança :
    — Te rends-tu compte que si tu le soignes et qu’il meure quand même, on te tiendra pour responsable de sa mort ?
    Tandis que si j’arrêtais tout maintenant, on dirait simplement qu’Il Cardinale et moi avions tout fait pour tenter de stopper l’empoisonnement, mais en vain. L’ennemi de Borgia serait mort, et il deviendrait pape.
    Pour être tout à fait honnête avec vous, j’hésitai. Que della Rovere meure par l’arme dont il avait l’intention de se servir pour provoquer la mort de Borgia et, en toute probabilité, m’envoyer au bûcher, me paraissait plutôt juste. Peut-être même pourrait-on aller jusqu’à parler de justice divine.
    Néanmoins…
    Je ne doute pas un instant que della Rovere savait exactement ce qui était en jeu pour lui, tant il tentait désespérément de parler. Mais il était déjà si proche de la fin qu’aucun son ne sortait de lui à part des grognements étranglés.
    Il Cardinale se leva et fit un pas en arrière. Il prit le temps d’observer son grand ennemi, l’homme qui avait comploté pour le voir mourir. Puis, il dit :
    — Fais ton possible pour lui.
    Ne me demandez pourquoi il fit ce choix-là. Depuis toutes ces années, je n’ai jamais eu le courage de le lui demander. Mais Borgia étant Borgia, je lui faisais confiance pour avoir ses raisons.
    J’administrai suffisamment d’émétine à della Rovere pour vider dix fois son estomac. Cette épreuve, qui venait s’ajouter à la première, s’avérerait peut-être trop difficile à supporter pour son cœur ; mais je n’avais pas le choix. Toutes les particules du losange devaient être expulsées de son corps avant qu’elles n’atteignent les organes vitaux et ne fassent des ravages. Les vomissements violents et répétés étaient le seul moyen de le sauver.
    Ce genre de détail étant particulièrement déplaisant, je me contenterai de dire que della Rovere se comporta avec autant de dignité que possible au vu des circonstances. On ne saurait en dire autant de ses assistants ; ils avaient l’air si écœurés par le spectacle que je craignis qu’ils ne se mettent eux aussi à vomir, sans aide de ma part cette fois-ci.
    Quant au Cardinal, lorsque j’eus enfin l’occasion de regarder où il était, il avait disparu.
    Au petit matin du 11 août de l’an 1492 après Jésus-Christ, le quatrième et dernier tour de scrutin eut lieu. Quinze votes allèrent au cardinal
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