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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia
Autoren: Sara Poole
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seule question, c’est comment.
    — Tout ce que vous mangez, tout ce que vous buvez, je le goûte. Mais il le sait déjà. Peut-être a-t-il intention de se servir d’un poison de contact, finalement.
    Cette possibilité me hantait.
    — Tu pensais qu’il n’avait pas les compétences nécessaires. S’il se sert d’un tel poison, personne ne fera le lien avec toi. Les soupçons porteront sur mon ennemi notoire, della Rovere.
    — À ceci près que je suis ici.
    Je ne disais pas cela car je m’inquiétais pour moi, tout au moins pas au premier chef, mais plutôt pour faire observer que ma présence pourrait enhardir le prêtre fou au point qu’il fasse fi de toute prudence et attaque Borgia par tous les moyens, en se disant qu’il me dénoncerait comme meurtrière dans le chaos qui s’ensuivrait.
    — Si le pire devait arriver, dit Borgia, cache-toi du mieux que tu peux et attends Vittoro. Il te fera sortir de là.
    Je le dévisageai.
    — Vous aviez anticipé cette possibilité.
    — Je ne vaux peut-être pas grand-chose en tant que prêtre, mais je suis un administrateur hors pair. J’essaie toujours de parer à toutes les éventualités.
    Il se leva sans avoir touché à sa nourriture, ce qui me porta à croire qu’il était moins indifférent à la situation qu’il ne voulait bien l’admettre.
    — N’oubliez pas vos gants, lui rappelai-je.
    J’avais insisté pour qu’il emporte avec lui une demi-douzaine de paires et qu’il en mette dès qu’il sortait de l’appartement. Par ailleurs, je lui avais également donné comme instruction (c’est le mot qui convient) de ne rien accepter directement des mains d’un autre et de tout faire passer par ses secrétaires, qui devaient ensuite venir me voir pour inspection. Par conséquent, eux aussi portaient des gants.
    À part cela, il revêtait les habits de cérémonie en dehors de ses quartiers, comme les autres cardinaux. Dieu merci cette tenue lui recouvrait tout le corps, à part la tête.
    Par-dessus son épaule, il me répliqua :
    — Crois-moi, Francesca, je ne suis pas pressé de quitter ce monde.
    Nous étions à présent le 10 août de l’an 1492 après Jésus-Christ. Les cardinaux étaient enfermés dans le conclave depuis quatre jours entiers. Tous commençaient à s’agiter, car ils ne comprenaient que trop bien la nécessité de protéger la stabilité de l’Église, qui se remettait à peine de la blessure ouverte par le Grand Schisme. S’ils mettaient trop longtemps à nommer le nouveau pape, le peuple de Rome ne serait pas le seul à redouter un retour au chaos et à réagir. Les gens effrayés et en colère sont imprévisibles, donc dangereux.
    Par conséquent, lorsque le troisième tour de scrutin eut lieu un peu plus tard ce jour-là, je ne fus pas particulièrement surprise d’apprendre qu’un favori se détachait à présent nettement.
    Borgia avait obtenu quatorze voix, soit une de moins que les quinze nécessaires pour obtenir la papauté.
    Il ne restait plus beaucoup de temps à Morozzi pour mettre son plan à exécution.
    — Je compte sur toi pour le garder à distance le temps que je gagne la partie, me déclara Borgia lors d’un bref passage dans ses quartiers.
    Sur ce il repartit pour ses derniers rendez-vous, où il allait devoir décider les quelques cardinaux qui n’avaient pas encore pris position.
    Ses secrétaires le suivirent, me laissant seule dans l’appartement silencieux pour réfléchir à ce que je devrais faire.
    Ou plutôt, à ce que Morozzi ferait.
    J’étais toujours aussi réticente à l’idée de me mettre dans la tête du prêtre fou, mais je savais qu’il était vital que j’y parvienne. Je fis les cent pas en tripotant la plume de mon chapeau, je soupirai et je poussai des grognements, je m’assis puis me levai, et à un moment je m’arrachai le couvre-chef que j’étais venue à détester, puis me tirai les cheveux si fort que les larmes m’en vinrent aux yeux.
    Finalement, frustrée au plus haut point et profondément inquiète pour Borgia, je quittai l’appartement pour voir si je ne pourrais pas glaner quelque information.
    J’étais à mi-chemin du couloir reliant les quartiers des cardinaux à la chapelle elle-même lorsqu’un groupe de prélats et leurs assistants arrivèrent en face de moi. Prestement, je me collai contre le mur et tournai la tête à leur passage, mais j’eus tout de même le temps de voir della Rovere à leur tête. Si vous avez vu le portrait que
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