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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia
Autoren: Sara Poole
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pour porter le colpo di morte . Un long spasme traversa la bête, telle une vague. Dans son sillage, les hommes en habits bariolés sortirent en courant, la lueur de leurs couteaux brillant au soleil.
    La petite fille ne les vit pas dépecer la carcasse, ni prendre les oreilles, la queue, les testicules. Elle ne vit pas non plus ces trophées dégoulinants être brandis sous les acclamations de la foule. Tout ce qu’elle vit, ce fut la rivière de sang, ce flot écarlate qui l’entraîna, faisant tout tourner autour d’elle et la rendant indifférente aux cris qu’elle poussa et qui attirèrent le regard du taureau rouge vers elle.

1
    L’ Espagnol mourut dans d’atroces souffrances. Cela ne faisait pas l’ombre d’un doute, au vu de la contraction de ses membres, de son visage autrefois beau, et de l’écume noire qui avait séché sur ses lèvres. Une mort horrible, pour sûr, que seule la plus crainte des armes pouvait donner.
    — Du poison.
    Ayant prononcé son verdict, le cardinal Rodrigo Borgia, prince de notre Mère la sainte Église, jeta un regard sombre et lourd de soupçons aux membres de sa maison rassemblés autour de lui.
    — Il a été empoisonné.
    Un frisson parcourut gardes, serviteurs et domestiques comme si une rafale de vent s’était engouffrée dans la somptueuse salle de réception, alors même qu’en cet été romain caniculaire de l’an 1492 après J.-C., seule une brise embaumant le jasmin et le tamarin des jardins parvenait à la rafraîchir.
    — Dans ma maison, cet homme que j’ai fait venir à mon service a été empoisonné dans ma maison !
    La voix tonitruante qui s’abattit sur eux fit s’envoler les pigeons nichés sous l’avant-toit du palazzo. Quand il se mettait en colère Il Cardinaleétait impressionnant à voir, une vraie force de la nature.
    — Je trouverai qui a fait ça. Et celui qui a osé en paiera le prix ! Capitaine, je vous…
    Sur le point de donner des ordres à son chef des condottieri, Borgia marqua un temps d’arrêt. Je venais de m’avancer, jouant des coudes entre un prêtre de la maison et un secrétaire pour me placer devant l’assemblée qui l’observait, aussi fascinée que terrorisée. Le mouvement le déconcentra. Il me fixa d’un air renfrogné.
    J’inclinai légèrement la tête vers le corps à terre.
    — Dehors !
    Tous décampèrent alors, des vétérans les plus âgés aux plus jeunes des domestiques, se faisant tomber les uns les autres dans leur hâte à quitter les lieux, à fuir sa colère terrifiante, capable de vous glacer le sang, pour pouvoir évoquer librement (et discrètement) ce qui s’était passé, ce que cela signifiait et surtout, qui avait bien pu oser le faire.
    Je me retrouvai ainsi seule avec lui.
    — La fille de Giordano ? articula Borgia dans le vaste espace. La salle de réception était ornée des plus somptueux tapis mauresques, aménagée avec un mobilier fabriqué dans les essences les plus rares et garni des tissus les plus précieux, parée de la plus fine vaisselle d’or et d’argent – et tout cela dans le but de proclamer le pouvoir et la gloire de l’homme dont j’avais osé défier la volonté.
    Une goutte de sueur me descendit le long des omoplates. Craignant de vivre mes dernières heures sur terre, j’avais mis ma plus belle tenue de jour. Ma robe de dessous, en velours marron foncé, plissée au niveau du corsage et dont le bas traînait légèrement derrière moi, me pesait lourdement sur les épaules. Bien que resserrée sous la poitrine, ma robe du dessus jaune pâle restait lâche, signe du poids que j’avais perdu depuis la mort de mon père.
    Le Cardinal était au contraire l’incarnation même du confort dans la grande chemise et la culotte bouffante qu’il aimait enfiler à la maison pour se détendre, ainsi qu’il était en train de le faire quand on était venu lui annoncer la mort de l’Espagnol.
    J’acquiesçai d’un signe de tête.
    — Francesca Giordano, Éminence, à votre service.
    Le Cardinal arpenta la pièce dans un sens puis dans l’autre, tel un animal agité, dévoré de pouvoir, d’ambition, d’appétits. Il me scrutait, et je savais qu’il voyait en moi une jeune femme n’ayant pas vingt ans, mince, quelconque si ce n’étaient d’immenses yeux marron, des cheveux auburn et une peau qui, la peur aidant, était plus pâle encore que d’habitude.
    Il désigna de la main l’Espagnol, qui commençait déjà à empester dans cette
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