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Faux frère

Faux frère

Titel: Faux frère
Autoren: Paul C. Doherty
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naturel accommodant, le portier se laissa amadouer par quelques espèces sonnantes et Ranulf put entrer dans la sinistre salle des gardes, envahie d’odeurs nauséabondes. Le geôlier – un colosse à la face avinée sous des cheveux hérissés et crasseux – s’avança vers lui.
    — Qui voulez-vous voir ? demanda-t-il en se frottant les mains sur son justaucorps de cuir sale.
    — J’ai deux mots à dire à Puddlicott.
    Les lèvres épaisses du geôlier s’entrouvrirent sur un rictus.
    — Ah ! Celui qui a pillé le Trésor royal ! Nous avons reçu des ordres pour que personne ne l’approche.
    — Qui vous a donné ces ordres ?
    — Sir Hugh Corbett, garde du Sceau privé.
    Ranulf fouilla dans son escarcelle et en tira un mandat portant le sceau de Corbett.
    — C’est mon maître qui m’envoie. Fais ce que je te dis !
    Son interlocuteur ne savait pas lire, bien sûr, mais il fut dûment impressionné par le sceau et surtout par la pièce d’argent que Ranulf plaça sur le mandat.
    — Veuillez me suivre ! Le prisonnier est comme un coq en pâte, dans un cachot confortable, à l’écart des autres pendards.
    Le geôlier précéda Ranulf dans une vaste pièce où des condamnés, avachis par terre, étaient enchaînés au mur. La longueur de leurs entraves leur permettait de se lever et de se déplacer un peu, mais pour l’heure, blottis sous des couvertures élimées, ils gémissaient et grommelaient dans leur sommeil. Ranulf jeta un coup d’oeil dégoûté sur la longue table commune couverte de crasse, où des souris, indifférentes à leur présence, grignotaient reliefs de nourriture et restes de graisse. Quelques prisonniers se réveillèrent et s’approchèrent d’eux, la démarche hésitante. Les guenilles puantes que portaient ces hommes et ces femmes laissaient entrevoir des plaies purulentes et des ecchymoses. Un garde gueula et ils reculèrent peureusement.
    Après avoir quitté cette salle, Ranulf et le geôlier traversèrent un couloir dallé en passant près des fenêtres grillagées où des condamnés à mort secouaient des sébiles entre les barreaux, pleuraient ou agonissaient tout le monde d’injures. Ils gravirent un escalier fendillé et humide pour pénétrer dans un long passage, éclairé par des torches, où donnaient un certain nombre de cachots. Ranulf repéra immédiatement celui de Puddlicott : deux sentinelles, accroupies à l’extérieur, bronchèrent à peine lorsque le geôlier ouvrit la porte et fit entrer Ranulf.
    — Puddlicott, mon garçon, s’écria le geôlier, petit veinard ! Tu as de la visite !
    Ranulf plissa les paupières pour percer la pénombre. La cellule était un carré parfait d’une propreté irréprochable. Il y avait des latrines dans un coin, débouchant de toute évidence dans le grand fossé de la ville, et même quelques meubles : une petite table, un tabouret bancal et un grand lit. Puddlicott s’était redressé sur sa paillasse, les yeux lourds de sommeil. Il secoua la tête pour se réveiller et s’étira en bâillant. Force fut à Ranulf d’admirer son flegme. Le prisonnier lui sourit.
    — Il y a une chandelle sur la table, mais je n’ai pas de silex.
    Ranulf prit le sien et la lumière jaillit dans le cachot. Après s’être soulagé, Puddlicott s’emmitoufla dans sa cape et revint s’installer au bord du lit.
    — Alors, vous venez de la part de Corbett, hein ? Il a oublié quelque chose ?
    Ranulf s’assit sur la table.
    — Pas vraiment. Nous savons ce qui s’est passé. Apparemment, tu entrais et sortais du pays à ta guise et tu t’es servi d’une charrette à ordures pour transporter les sacs d’or jusqu’à Gracechurch Street et de là jusqu’au port Ranulf se pencha en arrière et regarda le plafond. Corbett et lui avaient commis une grave erreur, celle de ne pas demander pourquoi un personnage aussi influent que de Craon avait choisi un logement aussi peu reluisant. Bien que, naturellement, les envoyés accrédités eussent le droit d’habiter où bon leur semblait.
    — Tu ne t’es pas étonné, demanda brusquement Ranulf, que des prostituées invitées à l’abbaye aient été assassinées ? Certaines des filles que tu connaissais doivent être au nombre des victimes, non ?
    Puddlicott resserra sa cape en haussant les épaules.
    — La vie est si cruelle ! Vous vous appelez bien Ranulf, n’est-ce pas ?
    Ce dernier acquiesça.
    — Eh bien, Ranulf ! tous les jours des hommes
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