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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire
Autoren: Michel Peyramaure
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mystère de ses origines. Son accent, d’ailleurs, le trahit : il est natif de la Bourgogne où l’on a le parler rude et franc. De passage en Barrois, il réserve toujours une de ses étapes à la famille de Jacques, lequel, en sa qualité de doyen de la paroisse, lui doit gîte et couvert.
    Laxart n’aime guère celui qu’il appelle « saint Jean Bouche d’or » ; il le trouve trop sûr de lui, volontiers pédant, trop bien informé des affaires du royaume pour qu’on ne flaire pas sous la bure un agent des Bourguignons.
    Frère Simon fait honneur à la bonne chère de Zabelle, au vin de Jacques, et règle son écot avec du vent : celui qui sort de ses lèvres sèches pour délivrer les nouvelles cueillies en cours de route.

Domrémy, 1418
    Le courtil est son domaine ; elle le partage avec Brutus lorsqu’il n’est pas requis pour la garde du troupeau. Elle l’organise et le dirige à sa façon, et malheur à qui s’y aventure sans son autorisation ! Elle a choisi comme repaire le plus grand, le plus touffu des pommiers, celui dont les puissantes embranchures se prolongent sur la petite place qui entoure l’église. Cet arbre et l’espace d’herbe sèche qu’il ombrage, Jeannette a décidé d’en faire sa propriété inaliénable ; elle en a matérialisé les limites par une murette de cailloux et de débris de tuiles liés par de la terre et de la bouse. Qu’un pourceau, une oie, une poule se risque à franchir cette frontière, un coup de baguette l’écarte. Ses frères et les petites voisines doivent montrer patte blanche pour qu’elle daigne abaisser le pont-levis et lever la herse. De même pour l’oncle Laxart. Il lui a dit un jour :
    – Toi, ma fille, on peut dire que tu ne manques pas de caractère. Je plains le garçon qui te prendra pour femme.
    Elle tend la main, y recueille le prix du péage : un bonbon au miel, une image dessinée sur un morceau d’étoffe, un bout de bois sculpté au couteau, une bille d’argile. Parfois, comme c’est le cas pour l’oncle, un sourire suffit. Elle n’a rien à lui refuser ; il a même obtenu une faveur insigne : s’asseoir dans la grande salle, en face de Sa Majesté Jeanne I re . Il est vrai qu’il a bâti de ses mains le château dont elle a fait sa résidence : quelques branches mortes entrelacées, mêlées à des rameaux de genêt et des javelles d’avoine pour protéger la reine des intempéries. Avec cette imagination qui ne lui fait pas défaut, Jeannette se plaît à penser qu’elle est ainsi à l’abri des envahisseurs, des bandes armées qui écument le pays, des mouvements du monde, sous la main de Dieu : Zabelle a placé sur le fronton du donjon une vieille croix de bois retrouvée dans le grenier de la sacristie. Une croix qui, l’occasion se présentant, pourra servir d’arme à la reine.
     
    Jeannette est devenue une belle enfant ; elle a franchi sans maladie grave le temps de la prime enfance : celui des rhumes, des diarrhées, de l’impétigo. Elle est grande pour son âge, potelée de partout ; son visage est rond et lisse comme un de ces fruits rouges qui, à l’automne, tombent du pommier. Pour ce qui est du caractère, l’oncle Laxart a vu juste : il ne fait pas bon lui tenir tête. Essayer, par exemple, de semer le trouble dans sa compagnie de soldats taillés dans des écorces de pin, c’est s’exposer à sa colère, voire à des représailles lorsque Brutus ou l’un des pourceaux en sont responsables.
    – Ma foi, dit l’oncle, tu as fichtrement raison ! Si tu ne défends pas ton bien, personne ne le fera pour toi.
    Marié depuis peu, Laxart attend de son épouse une grossesse qui se fait espérer, au point qu’il redoute qu’elle ne soit bréhaigne. Hormis cette inquiétude obsédante, il n’est pas à plaindre : son petit domaine de Burey, composé de vignes, de noiseraies, de champs de froment et d’avoine, de prairies pour quelques têtes de bétail, suffit à ses ambitions, qui sont modestes. Des maraudeurs, venus de Lorraine l’automne dernier, ont incendié sa grange et coupé quelques cerisiers ; il a reconstruit le bâtiment avec le secours des gens du village et replanté ses arbres.
    – Ce n’est pas moi, dit-il, qui chercherai à imiter Maury.
    Le printemps d’il y a deux ans, Maury, laboureur des parages de Bourlemont, a eu la visite inopinée d’une bande d’écorcheurs de la plus sombre espèce, résidu d’une horde de Bourguignons licenciés pour cause de trêve. Dans
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