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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire
Autoren: Michel Peyramaure
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chantonne Zabelle, tu as chaud, oui, ma toute belle...
    Elle la libère des touailles qui sentent le pipi-caca, la laisse gigoter dans ses odeurs avec un bonheur de petit animal délivré d’un piège. La petite est rose de partout, avec, au pli des cuisses, un reliquat d’impétigo. Zabelle la regarde s’ébattre, guette un sourire, le bruit de gorge qui ressemblera peut-être à un mot, la chanson du plaisir.
     
    – Maman va te nettoyer, puis tu auras ta tétée, petite gourmande !
    La maturité de Zabelle rayonne de santé. Lorsque Jacques, son mari, est allé la quérir dans son village de Vouthon, il y a près de dix ans, elle promettait déjà des formes opulentes et des maternités généreuses ; il n’a pas été déçu. Zabelle était une adolescente gracieuse sans être aussi jolie que les filles du comte de Bourlemont qu’on voit de temps à autre passer à cheval sur la route de Vaucouleurs. Si elle n’a pas gagné en beauté, elle a pris de la chair, du muscle, est devenue une épouse exemplaire. Docile serait beaucoup dire : elle a souvent son mot à dire et ne s’en prive pas, que cela plaise ou non. Jacques hausse les épaules et baisse le nez. Si, hors de la maison, il peut disposer des êtres et des choses, il laisse Zabelle maîtresse du ménage. Ce bel équilibre fait l’admiration de tous.
    Les lèvres goulues de l’enfant s’écrasent sur la pointe du sein ; ses mains pétrissent cette montagne de lait, s’y accrochent, prennent possession du territoire convoité puis conquis. Elle ne rechigne jamais à prendre la tétée et sa gloutonnerie lui réussit. Lorsque l’oncle Laxart la prend dans ses bras, embrasse le ventre rond, les fesses dodues, elle laisse filer de sa gorge un gazouillis d’oiseau.
    – Toi, ma petite, dit l’oncle, tu seras aussi grasse que ta mère ! Regarde, Jacques, un petit porcelet...
    Des frères de Jeannette on ne peut dire qu’ils soient malingres. Rien ne les distingue des autres garnements du village, sinon la position sociale de leur père qui doit à l’estime de ses concitoyens d’être devenu une sorte d’échevin, ce dont ses fils tirent une certaine gloriole.
    Un groupe de lavandières portant leurs lourdes panetées de linge ruisselant procède avec des rires et des chansons derrière la haie cachant le ruisseau.
    – Fais ton rot, ma jolie, dit Zabelle. C’est bien ! Encore...
    Elle appelle Guillemette. La petite servante qui somnolait sur le banc de la façade pénètre dans la grande salle, pose sa quenouille sur la table. Sans attendre un ordre de la maîtresse, elle jette les langues souillés dans une panière et les porte au baquet pour les laver.
    – Non, ma biche, murmure Zabelle, il faut rester encore un peu réveillée pour l’oncle Laxart. S’il te trouve endormie, il se fâchera. On peut dire qu’il t’aime. Et pourtant...
    Et pourtant, qu’a-t-elle d’exceptionnel, cette garcette ? Rien aux yeux de Laxart, si ce n’est d’être sa nièce et sa filleule. Lorsqu’on l’a sollicité pour porter Jeannette sur les fonts baptismaux, il s’est senti plus honoré que s’il avait reçu le titre de chanoine de la cathédrale de Nancy, et cet honneur, transmué en affection, s’est reporté sur Jeannette. Pour peu qu’on le lui eût proposé, il aurait abandonné son domaine de Burey pour s’installer à demeure chez les cousins de Domrémy où Jacques et Zabelle l’auraient accueilli de grand coeur. En dépit d’une malformation congénitale qui lui donne l’aspect d’un pantin désarticulé, il ne rechigne pas à l’ouvrage, se montre toujours de belle humeur et de bon conseil car, contrairement à Jacques, il a acquis quelques rudiments d’instruction auprès des moines. En attendant de prendre femme, ce qui ne va pas tarder, il a trouvé avec Jacques et Zabelle une seconde famille dont Jeannette, pour lui, est le coeur.
     
    Zabelle a déposé Jeannette sur la javelle de paille étalée dans le van d’osier, à l’ombre du pommier.
    La chaleur déclinant, l’air est de soie, tiède comme un drap de riche, bien que l’odeur des peaux de loup et de lynx séchant sur des claies d’osier lui donne un goût sauvage. Nue, lisse, rose comme une dragée, l’enfant joue à attraper ses rêves avec ses menottes, gazouille à travers des bulles de salive et de lait, semble concentrer son attention sur un petit nuage indolent, en forme de fleur de cerisier, qui vogue sur un océan de feu.
    – Guillemette, lance
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