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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire
Autoren: Michel Peyramaure
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s’est ruée sur son oncle et, avec ses poings, a tambouriné sur sa poitrine.

Paris-Saumur, 1413-1415
    Le prévôt Tanneguy du Châtel parcourut du regard la rue Putte-y-Musse qui allait d’une traite du port Saint-Paul à la porte Saint-Antoine. Du côté de la Bastille qui se dressait, barbouillée de pluie et de fumée, au-dessus du couvent des Célestins, aucun bruit si ce n’est celui d’une caravane de futailles se dirigeant vers le fleuve.
    – Tout est calme, monseigneur, dit-il en se retournant. Les bouchers se tiennent à carreau, mais je crains que la venue de Charles d’Orléans ne crée de nouveaux désordres. C’est peut-être le calme qui précède la tempête.
    – Monsieur le prévôt, dit Charles, reprenez vos cartes. La partie n’est pas terminée.
    Tanneguy se dit que rien d’autre n’intéressait cet enfant royal. Il est vrai qu’à dix ans on est peu porté aux spéculations politiques... Charles ne manifestait d’intérêt que pour les cartes, les contes de sa nourrice et de sa gouvernante, encore qu’il s’en lassât vite. Qu’aimait-il vraiment ? Rien. Aucune passion, une répulsion pour les armes et les parties de paume. Ce qu’il avait aperçu des massacres cabochiens l’avait bouleversé au point de le rendre malade. Tanneguy, qui avait du goût pour les lettres et les choses de la religion, avait tenté de le faire passer en lui. Vainement. Il s’endormait au cours des leçons.
    Le dauphin ? voire... De mauvaises langues ne faisaient pas mystère d’une suspicion récurrente : on le disait bâtard, fruit illégitime des amours de sa mère, la reine Isabeau, avec feu le duc Louis d’Orléans. Cette équivoque se lisait sur ce visage veule, allongé, aux lèvres épaisses, au regard lourd. La santé précaire de ses deux aînés, Louis le dauphin et Jean, ne tarderait pas à pousser sur le devant de la scène ce fantoche qui ne valait guère mieux. Charles semblait habité par un vide insondable.
    Tanneguy laissa Charles rafler la mise.
    – Je viens, dit-il, de recevoir des nouvelles de votre père le roi. Il est de nouveau en état de crise. Vous devriez lui rendre visite plus souvent. Récemment, dans un moment de lucidité, Sa Majesté m’a demandé de vos nouvelles. Je suis persuadé qu’il vous témoigne beaucoup d’affection. Votre mère la reine regrette de même que vous la négligiez. Elle demeure à deux pas d’ici et vous ne vous rencontrez que le dimanche aux offices.
    – Mon père, ma mère... maugréa le dauphin. Ils n’aiment personne.
    Le roi n’aimait rien tant que sa favorite, Odinette, et la veuve du duc d’Orléans, Valentina Visconti, qui l’accueillait à la fin de ses crises en chantant à voix de rossignol des ritournelles napolitaines. Quant à son épouse, il n’entretenait avec cette dondon que des rapports épisodiques. L’âge et la bonne chère l’avaient rendue monstrueuse.
    – Monseigneur, dit Tanneguy, il faut arrêter la partie. Nous allons avoir de la visite...
     
    La visiteuse de ce jour est Yolande d’Aragon, que Charles appelle sa « bonne mère », comme pour indiquer où vont ses affections filiales. Elle est reine de quatre royaumes : Sicile, Aragon, Naples, Jérusalem, comtesse d’Anjou et de Provence. « Un coeur d’homme en corps de femme », dit-on d’elle. Fille du roi d’Aragon, elle est de cette race de montagnards capables, dit-on encore, d’enfoncer un clou avec la tête. Le roi Charles est son cousin, et elle a pris farouchement son parti. De Louis II d’Anjou elle a eu une fille, Marie, encore une enfant ; Louis, lui, est un éternel absent : toujours à la poursuite de ses chimères italiennes.
    Madame Yolande arrivait de ses domaines d’Anjou pour un séjour à Paris, motivé par des affaires et par un projet qui mûrissait depuis peu en elle : préparer l’union de Marie et de Charles, tous deux impubères et ne se connaissant pas.
    – Monseigneur, dit-elle en pénétrant dans la pièce, je vous amène une compagne, ma fille, Marie, qui mourait d’envie de faire votre connaissance. Vous pouvez vous embrasser.
    Charles marqua un recul, s’effaça à demi derrière la silhouette massive de Tanneguy. Si la bonne mère n’avait rien d’une beauté avec son visage lourd, anguleux, sa taille épaisse et musculeuse, la petite Marie était franchement laide : cheveux raides et blondasses, lèvres sanguines sous un nez d’une dimension affligeante, menton fuyant...
    Il fallut que Tanneguy
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