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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire
Autoren: Michel Peyramaure
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Zabelle, cours ouvrir le portail. Le maître arrive.
    Dans le concert d’aboiements de Brutus, le cheval Grison vient d’émerger d’un bouquet d’épines blanches. Il est monté par le maître, avec en croupe l’oncle Laxart. Le visage congestionné sous le chapeau de jonc, le hoyau sur l’épaule, ils descendent de cheval. Sans qu’on lui en intime l’ordre, Guillemette conduit l’animal, dont la robe, du garrot à l’épaule, se drape d’écume, jusqu’à l’auge proche du puits, pour le rafraîchir et le panser.
    Laxart s’avance vers le pommier avec des mouvements d’épaules convulsifs et des gestes de marionnette comme pour se défaire de son sarrau. Il s’agenouille auprès du nourrisson, le soulève, le retourne, fait claquer deux baisers sur les fesses aussi rondes que les joues, puis se rembrunit.
    – Je trouve, observe-t-il, qu’elle a son petit cul bien rouge. Son impétigo qui revient...
    Zabelle éclate de rire.
    – Rassure-toi, dit-elle. C’est l’émotion qui la fait rougir. Elle est si heureuse de te revoir !
    Laxart hausse les épaules, dépose délicatement Jeannette sur son lit de paille fraîche.
    – Si c’est vrai, ma filleule, fais-moi un sourire. Le premier. Pour tonton Laxart...
    Soudain il se redresse, maîtrise son bras droit qui commençait à s’agiter, lâche, d’une voix sans timbre :
    – Elle m’a souri ! Je vous dis que Jeannette m’a souri !
    – C’est vrai, convient Zabelle, c’est bien un sourire. Regarde, Jacques !
    Le maître a posé son sarrau et se lave dans l’auge, en même temps que s’abreuve Grison. Il s’écrie :
    – Pas de quoi crier au miracle ! Elle sourit ? Et alors ? Pierrelot a souri alors qu’il avait deux mois. Laxart, cesse de t’extasier et viens te rafraîchir. C’est mauvais de garder cette sueur sur soi, surtout à l’ombre. Toi, Guillemette, au lieu de bayer aux corneilles, va traire une cruche au cellier ! Je meurs de soif.
    « Cette année, poursuit Jacques, la vigne est superbe et le vin sera de bonne qualité. Laxart, nous comptons sur toi pour nous aider à vendanger.
    – Il faut reconnaître, dit Zabelle en s’approchant, que tu la bichonnes, ta vigne, à croire que tu en es amoureux. J’en suis jalouse : elle compte plus que moi...
    Jacques se retourne brusquement, la prend dans ses bras ; elle se débat, martèle avec ses poings les rudes épaules brunies par le soleil et qui sentent encore la sueur d’homme.
    – Grand sauvage ! s’écrie-t-elle. Me voilà toute mouillée.
    – ... et fraîche comme la rosée, ma toute belle. Ce soir, je te ferai l’amour et, toi, tu me feras un autre beau garçon.
    – Si je le veux bien, brigand !
    – Le temps que Guillemette ramène les vaches et les moutons, tu prépareras le souper. Laxart et moi, nous avons une faim de loup, pas vrai, parrain ? Eh, Laxart ?
    – Regarde-le, ce grand dadais, il essaie de tirer un autre sourire de cette pauvrette. Il va être temps de la coucher. Elle a bien pris le sein.
    Quand sa mère l’arrache à son lit de paille et entreprend de l’immobiliser dans des langes frais, elle grogne, gigote, repousse les mains et l’étoffe, une perle de larme au coin de l’oeil. Zabelle l’emporte dans la maison, la dépose dans la beneste, sous la coulée d’air tiède tombant de la fenêtre de la chambre attenante à la grande salle. Elle s’agenouille, écarte du pied le chien Brutus qui vient renifler les odeurs de lait et de langes frais, et murmure la berceuse du soir, l’ endremir que sa mère chantait avant elle :
    À la fête des corbeaux
    Darlindo, darlindodo
    Y avait un beau château...
    Certains soirs d’été, à la tombée de la nuit, chandelles éteintes, la famille s’installe sous un pommier du courtil, les uns assis sur le banc de bois ou sur un escabeau, les autres le cul dans l’herbe. Des voisins viennent se joindre à eux, parfois un capitaine de Vaucouleurs ou de Neufchâteau, un marchand en route pour Nancy, un colporteur ou quelque moine gyrovague en route pour Vézelay, Chartres ou le Mont-Saint-Michel qui, dans la tourmente, a gardé sa fidélité à la couronne de France. Chacun paie l’hospitalité dont le maître de maison l’honore, d’une histoire plaisante, d’une chanson ou des nouvelles collectées sur les chemins.
    C’est le frère Simon que l’assemblée du soir écoute avec le plus d’intérêt.
    Ce moine cordelier au visage rissolé comme une crêpe de blé noir cuite et recuite ne fait pas
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