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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années
Autoren: Robert Merle
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vaste oreille.
    — Ha gaillard !
s’écria-t-il en riant à gueule bec. Ha paillard ! C’est donc cela !
Mais c’est bien peu ! Toutefois (se reprenant aussitôt) il est vrai que
j’avais pris de la fantaisie pour la luronne. Mais soit, poursuivit-il avec un
air d’immense générosité, je te la laisse, mon ami, puisque tel est ton
plaisir.
    Et bien soulagé, me sembla-t-il,
d’en être quitte à si bon compte – les cadeaux n’étant point son fort,
comme je l’avais deviné.
    Là-dessus, le page me rapporta mon
pourpoint, que je mis. Quoi fait, je pris congé du Baron de Caudebec, de Frère
Antoine et de cette pieuse assemblée, qui n’en était encore qu’à la moitié de
son festin, à la voir si bravement accueillir les viandes, qui de quart d’heure
en quart d’heure arrivaient des cuisines. Au bas de l’escalier, cependant,
j’appelai le page :
    — Holà ! Rouen !
Viens me trouver céans !
    — Me voilà, Monsieur, dit-il en
accourant, et en me fixant de son œil vert, point trop à l’aise, me
sembla-t-il.
    — Rouen, dis-je à voix basse,
tu me dois quatre sols pour avoir brossé mon pourpoint.
    — Quatre sols, Monsieur ?
dit Rouen en ouvrant la bouche.
    — Tout justement. Ils étaient
dans ma poche.
    — Ils seront donc tombés, dit
Rouen, l’œil baissé, et comme les cherchant.
    — C’est ce que je crois. Ils
sont tombés de ma poche dans la tienne.
    — Nenni, Monsieur !
dit-il, mais sans élever la voix. Foi d’honnête garçon !
    — Fi donc, Rouen ! Des
serments à cette heure ! Qu’arriverait-il si je faisais mes contes à ton
maître ?
    — Il me fouetterait comme
seigle vert.
    — Pour éviter cette
incommodité, Rouen, nous ferons donc un petit marché. Si par bonheur tu trouves
à terre ces quatre sols, ils seront à toi par le droit de trouvaille. Et si tu
ois Frère Antoine parler de moi au Baron, tu me répéteras ses propos.
    — Tope ! Tope, mon
maître ! dit Rouen en souriant d’une oreille à l’autre.
    Je lui souris aussi, et posant la
main sur ses roides cheveux rouges, je la passai amicalement à rebrousse-poil
et je l’eusse ainsi décoiffé, si coiffé il avait pu être.
    Après quoi, je m’en retournai dans
ma chambre, fort content de la façon dont j’avais trompé Frère Antoine, ayant
agi, en la circonstance, en tous points comme mon père eût fait, car mon père
tenait qu’on ne doit la vérité qu’à ses amis, et à ses ennemis la ruse et la
duperie, comparant souvent les huguenots aux Hébreux de la Bible, quand ils
vivaient, opprimés, au milieu des gentils.
    Mon bien-aimé Samson ne s’était ni
dévêtu ni couché, redoutant la venue en notre lit des deux étrangers que
l’alberguière nous avait annoncés. À mon sentiment – que je n’eus garde de
lui dire, tant il était innocent –, il avait eu tort d’insister si fort
pour que ce fussent des hommes et non des garces qui vinssent avec nous, car il
était si beau de sa personne qu’il eût pu tenter quelque bougre, si d’aventure
il s’en était trouvé en cette compagnie.
    Je découvris mon Samson tout
songeur, dépit et taciturne sur son escabelle, fort marri de ma longue absence,
et Miroul, assis en face de lui, n’osant ouvrir la bouche, et se contentant,
quand et quand, de pincer une corde de sa viole pour consoler son maître et,
comme je crois aussi, pour l’amour de son joli son.
    Mon gentil Samson fut fort ému quand
je lui eus expliqué que mon projet était de nous joindre à ces pèlerins
normands et de faire route en leur compagnie jusqu’à Montpellier, pour ce
qu’ils étaient une forte troupe, et fort bien armée, à laquelle n’oseraient se
frotter les caïmans des Corbières.
    — Quoi ? s’écria-t-il.
Vivre tout ce temps au milieu de ces papistes ? Porter un masque ?
Ouïr leurs messes ? Se confesser peut-être ?
    Je me redressai, les mains aux
hanches.
    — Monsieur mon frère, dis-je
avec quelque froideur, vous grondez bien à tort.
    À ce ton, il fut si remué que les
larmes lui vinrent aux yeux, tant était grande l’amour qui, comme un beau sang
rouge, courait de l’un à l’autre. Moi-même, je ne pus supporter qu’il pâtît,
peu ou prou, de mon fait, et dans un grand élan je courus à lui, l’accolai et
le baisai sur les deux joues. Sur quoi Miroul pinça sa viole.
    — Samson, dis-je en le faisant
asseoir sur le lit à côté de moi, ramentevez-vous avec quelle sagesse notre
père vous a confié, à
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