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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années
Autoren: Robert Merle
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jolie gouge.
    Je tirai donc vers la donzelle, et
pour l’apazimer, lui mis les deux mains sur les hanches en lui donnant du
sourire et de l’œil.
    — Mamie, dis-je, n’aigris pas
plus outre la colère du Baron. Il demande ton vin.
    — C’est, dit-elle en son
thoulousain, que je ne veux point que cette bête-là gâte ma cotte et mes
jupons, comme il a fait à Madeleine.
    — Et toi, comment te
nomme-t-on, Mamie ? dis-je sans avoir à tant me forcer pour lui sourire,
ses beaux yeux noirs luisants et vifs m’ensorcelant.
    — Franchou, mon noble Moussu,
dit-elle en me faisant la révérence, en même temps tenant haut son pichet de la
dextre – tableau fort joli, mais surtout me frappa son nom : Franchou !
Pensai-je, Franchou ! Comme la chambrière que mon père délivra de la peste
à la pointe de l’épée dans le faubourg de la Lendrevie !
    — Franchou, dis-je, si tu
n’obéis point, le Baron dit qu’il découpera ton parpal en lamelles !
    — Doux Jésus ! s’écria Franchou
avec une petite mine de peur qui me ravit. C’est donc cela qu’il grommelle en
son patois français ! Sainte Mère de Dieu, le ferait-il ?
    — Je ne sais. Il est homme de
courte patience. Va donc, Franchou ! Je demanderai à l’alberguière de te
compenser le gâtement de ta cotte.
    — Grand merci, mon noble
Moussu ! dit-elle avec un regard fort gracieux.
    Hélas, la drolette n’y coupa point.
À peine eut-elle servi à boire que le Baron lui gâta sa cotte de ses doigts
dégouttant de l’huile des saucisses et, au surplus, la pastissa.
    — Ha ! cria le Baron en
riant à ventre déboutonné, il me semble. Monsieur mon truchement, que tout en
prêchant pour mon saint, vous avez prêché aussi pour le vôtre, car la garce n’a
d’œil que pour vous, tandis que je la biscotte !
    — Que dit cette grande
bête ? dit Franchou en son thoulousain.
    — Que tu as de moi un petit
pensamor.
    — C’est bien vrai, ça !
dit Franchou bonnement.
    — Monsieur de Siorac, dit Frère
Antoine, vous avez autour du col une fort belle chaîne. Peut-on voir ce qui y
pend ?
    Je sortis la médaille de dessous ma
chemise et la lui montrai.
    — Ha ! dit-il en se
signant, la Vierge Marie ! Bénie soit la Sainte Mère de Dieu ! Et par
qui, mon fils, vous fut donnée cette belle relique ?
    — Par ma mère, dis-je sans
m’expliquer plus outre.
    — Et sans doute, dit Frère
Antoine, votre mère est-elle dame de haute lignée, la médaille étant d’or,
bellement ouvragée, et à ce que je vois, fort ancienne.
    — Non point, dis-je
promptement. Notre noblesse est récente. Mon père a été fait chevalier sur le
champ de bataille de Cérisoles, et Baron après la victoire de nos armes à
Calais.
    Je disais vrai, tout en équivoquant,
comme mon père avait fait en son entretien avec le capucin après son combat de
la Lendrevie. Car si mon père, de naissance roturière, avait été anobli, ainsi
que je venais de le dire, ma mère, elle, était bien, comme l’avait deviné Frère
Antoine au vu de sa médaille, de grande et ancienne lignée, descendant d’un
Castelnau qui avait combattu aux Croisades. Mais je n’aurais pu révéler à Frère
Antoine cette ascendance sans avouer du même coup que ma mère était proche
alliée des Caumont, Seigneurs des Milandes et de Castelnau. Or ces Caumont
étaient, eux, fort connus, et du royaume entier, pour soutenir la religion
réformée dans le Périgord, le Quercy et l’Agenais.
    — Je vous dois quelque manière
d’excuse, mon fils, dit Frère Antoine en se penchant vers moi et en me
regardant d’un œil plus doux. Je vous avais soupçonné, sur le vu de votre noir
pourpoint – bien étrange sur le dos d’un jeune gentilhomme –, d’être
un de ces pestiférés hérétiques qui s’insinuent, masqués, parmi nous pour
corrompre notre foi. Mais vos gaillardes manières, et par là-dessus, cette
sainte médaille, me persuadent qu’il n’en est rien.
    — Quoi ! Mon truchement,
un hérétique ! cria Caudebec. Tu rêves, moine !
    Et là-dessus, assenant, pour lui
donner congé, une forte tape sur les rondeurs de Franchou, il saisit une
truite, et la fourra, tête, queue et arêtes, dans sa bouche. Franchou s’enfuit,
la main sur le fessier, pleurant et gémissant, et à la vérité, plusieurs heures
plus tard, sa peau en était encore rouge et navrée, comme je peux l’attester,
révolté que je suis encore de ces manières fâcheuses.
    — Mon
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