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Elora

Elora

Titel: Elora
Autoren: Mireille Calmel
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dans la réalité.
    La panique s’empara de lui.
    — Écarte les tentures, ordonna-t-il.
    Nassouh bondit, les arracha presque, inondant la pièce d’une lumière vive. Elle tomba de biais sur le visage d’Hélène, confirmant leurs soupçons. Les yeux étaient enfoncés profondément dans les orbites violacées, le souffle était faible, peinant à sortir du nez pincé. Hélène de Sassenage avait été empoisonnée.
    Oubliant sa propre faiblesse, Djem sentit monter en lui une rage profonde. Inhumaine. Il secoua son amante avec violence. Elle gémit, faiblement.
    Les yeux égarés de Djem sondèrent ces paupières obstinément closes. Combien de temps restait-il avant qu’elle passe. Une heure ? Une minute ? Il avait assisté à nombre de fins du temps de sa guerre avec Bayezid. Compagnons d’armes, de lutte. Il avait vu s’éteindre son frère de lait, foudroyé par le poison. Mais aucune mort ne lui sembla plus injuste, plus inutile, plus inconcevable que celle-ci. Il ne voulut pas l’admettre.
    Sur le côté, Nassouh, lui, demeurait pragmatique. Son œil acéré courait de l’un à l’autre. Il voyait sur le visage de Djem se dessiner les mêmes affres. Même si la matité de son teint et la terreur sur ses traits égaraient les repères. Il secoua la tête, empli d’une tristesse profonde, d’un sentiment d’impuissance.
    — Tu es touché aussi, Zizim.
    Djem l’avait déjà compris. Depuis un bon mois, sans vouloir se l’avouer lui-même. Mentir pourtant. Oui, mentir. Il se tourna vers Nassouh.
    — Cours. Il lui faut un prêtre.
    Nassouh demeura indécis. Il avait conscience de l’importance d’une extrême-onction pour elle, mais laisser Djem, alors que peut-être, à son retour…
    Contredisant son inquiétude, Djem bondit du lit pour le prendre aux épaules. Il fouilla son œil désemparé du sien, convaincu.
    — J’ai pris froid, tu entends. Rien de plus. Ne te soucie pas de moi… Va, mon frère. Va…
    Nassouh connaissait trop Djem pour être dupe. Il tourna les talons pourtant et partit à la course.
    Djem attendit qu’il fût sorti pour retomber sur le lit. Ses jambes ne le portaient plus. Le regard voilé, la tête lourde, il mesura la distance qui le séparait d’un coffre contre le mur, à l’angle de la cheminée éteinte. Une toise, deux à peine. Il fallait qu’il y parvienne. Il le fallait. Il se pencha pour embrasser les lèvres violacées d’Hélène.
    — Reste avec moi, mon amour. Quelques minutes encore. Quelques minutes…
    Il refusa les larmes qui venaient. Le guerrier en lui chercha dans ses réserves de courage celles qui serviraient son ultime combat. Il serra les dents, s’accrocha à la colonne du baldaquin, se dressa. Il tomberait à genoux s’il le fallait, ramperait jusqu’à son dernier souffle. Il prit de l’élan, se lança en avant, défiant la camarde en ses veines.
    Il était à mi-chemin lorsque la porte, le pêne rompu par Nassouh, s’ouvrit en grand sur le comte d’Entremont. Jacques de Montbel était aussi blême que Djem. Nul doute qu’il avait croisé Nassouh en chemin. Le prince sentit le Français poussé vers Hélène. C’est pourtant au-devant de lui qu’il s’avança précipitamment.
    Un sourire triste illumina le visage de Djem.
    — Vous l’aimez… Depuis le tournoi…
    Jacques de Montbel ne répondit pas. C’était une évidence. Il lui passa un bras sous les aisselles, voulut amorcer un demi-tour. Djem l’en empêcha.
    — Il n’est pas trop tard. Pour elle. Aidez-moi… Sauvons-la.
     
    Lorsque Hélène se dressa sur sa couche deux heures plus tard, Djem dormait près d’elle, veillé par Nassouh, Sinan Bey, Jacques de Sassenage, Aymar de Grolée et Jacques de Montbel. Sur le moment, elle crut à un mauvais rêve, car aucun de ces hommes n’avait à se trouver là, à son réveil. Elle retomba sur l’oreiller pour leur laisser le temps de disparaître. Le soleil n’était pas levé à en juger par la douce lumière du feu dans la cheminée. Elle voulut se tourner vers son aimé, se blottir contre lui, mais une main sur son épaule l’arrêta. Saisie, elle laissa échapper un petit cri d’effroi, écarquilla les yeux qu’elle avait refermés.
    — Tout va bien, ma fille. Tout va bien.
    — Père ?
    Jacques de Sassenage s’assit à côté d’elle. Ses doigts lissèrent une mèche à son front. Hélène remonta plus haut la couverture sur sa chemise, gênée et tout à la fois inquiète de la gravité
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