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Elora

Elora

Titel: Elora
Autoren: Mireille Calmel
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    La lame, courte, du braquemart déchira latéralement le ventre déjà bien tailladé du mannequin empalé sur un pieu.
    Du haut de ses presque neuf ans, Petit Pierre, qui venait d’assister à la mise à mort, laissa tomber un verdict dédaigneux :
    — T’y connais rien ! C’est dans l’autre sens qu’il faut occire !
    D’un an son cadet, son demi-frère Jean, aussi roux de poil que Petit Pierre était brun, s’empourpra de colère.
    — J’y connais rien, moi ? Qui c’est qui ouvre les lièvres, hein, qui c’est ?
    — C’est pas pareil. Donne-moi ça.
    Malgré le poids de l’arme, Jean la dégagea dans son dos prestement, les sourcils froncés avec arrogance.
    — Non. C’est à moi qu’on l’a prêtée.
    Petit Pierre avança d’un pas décidé, la main tendue.
    — Donne ou je te calotte !
    Un ricanement fusa.
    — Essaie un peu pour voir !
    Petit Pierre s’immobilisa face à la menace de l’arme de nouveau dressée par le garçonnet. De stature égale, les deux garnements n’avaient de cesse que de se mesurer à la lutte, pour une peccadille souvent. Ils en sortaient égratignés, bleuis. Réconciliés chaque fois et soudés face aux autres garçons de la bande, aussi querelleurs qu’eux. Cette fois pourtant, un éclat de haine s’était allumé dans l’œil de Jean. Petit Pierre sentit une goutte de sueur lui caresser le front.
    Son regard porta au-dessus de la chevelure bouclée de son demi-frère.
    Dans le cirque de Choranche, au pied des falaises de Presles, creusées de galeries profondes dans lesquelles ils se cachaient du prévôt, leurs pères respectifs fourbissaient leurs armes près d’un vieux chêne, emportés par une discussion animée. Il n’était pas un seul des brigands de cette communauté pour s’inquiéter des enfants. Tous s’apprêtaient à la prochaine embuscade. Même les femmes y participaient de près ou de loin, certaines le poignard à la main.
    Ils étaient plus d’une centaine à vivre là, mais en cet instant Petit Pierre se sentit détestablement seul. Il enfonça ses poings dans les poches, baissa les yeux, renifla une morve grossière, capitula.
    — Fais comme tu veux. Mais viens pas te plaindre si t’es pris !
    Jean éclata d’un méchant rire.
    — C’est les pesneux qui sont pendus. Et toi, t’es rien qu’un pesneux !
    De nouveau la colère. Un pesneux, c’était pire qu’un trouillard, un lâche dangereux pour le groupe.
    — Je suis pas un pesneux !
    — Si, tout le monde le sait !
    Une pointe d’orgueil foudroya Petit Pierre. Ce n’était pas parce qu’il avait fui devant un sanglier rendu fou par les flèches plantées dans son cuir qu’il fallait en conclure à sa couardise. N’importe qui en aurait fait autant, il en était convaincu. N’empêche que sa mère s’était moquée de lui devant les autres. N’empêche que depuis, les filles le regardaient en coin en riant derrière leurs mains crasseuses, les garçons le défiaient à tout bout de champ. Par réflexe, Petit Pierre se jetait dans la bagarre sans réfléchir, pour impressionner les unes, pour moucher les autres. Neuf fois sur dix il en sortait victorieux, mais là c’était différent. Il n’avait jamais vu à son cadet aussi méchante figure. Il n’aimait pas lorsqu’ils se chamaillaient. Et moins encore lorsque l’objet de leur affrontement stupide était l’attention que Jean espérait soutirer à leur mère.
    Ravalant sa hargne, il lui tourna le dos, prêt à se diriger vers un éboulis de gros rochers. Le soleil bas qui perçait encore les frondaisons empourprées faisait étinceler les veines de mica affleurant du sol. Petit Pierre plissa les yeux.
    — Le vrai courage c’est d’affronter l’autre à armes égales, déclara-t-il avant d’allonger son pas.
    — C’est une belle définition. Mais dans notre cas, elle serait sans appel, mon fils.
    Il s’immobilisa, déglutit. La voix n’avait rien de cassant cette fois, cependant il était suffisamment habitué depuis sa naissance à ce que sa mère le rabaisse pour ne pas entendre le reproche. Il ne l’avait pas entendue ni vue venir. Cela n’avait rien de surprenant. Fanette était une des plus douées de leur communauté pour surprendre sa proie.
    — Donne-moi cette épée, exigea-t-elle en se plantant devant Jean, avant d’ajouter en direction de Petit Pierre : Reviens un peu par là et montre-moi si tu sais mieux faire.
    Le cœur du garçonnet battit la
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