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Elora

Elora

Titel: Elora
Autoren: Mireille Calmel
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Pierre, de Constantin. De tous ceux qui comptaient pour elle et qui, demain, compteraient pour lui. Même si elle ne les avait jamais véritablement rencontrés.
    Elle lui expliqua qu’elle était née avec le savoir et les pouvoirs des Anciens. Que les événements s’imposaient à elle comme une évidence, une histoire déjà écrite depuis la nuit des temps, de même que le visage de chacun de ses futurs compagnons d’épopée. C’était grâce à cette mémoire intuitive qu’elle l’avait reconnu et ce soir-là, à Rome, sauvé.
    Il l’avait écoutée comme il écoutait, avant, les histoires de l’aïeule, cette bohémienne sans âge qui lisait les lignes de la main et qui, plus d’une fois, avait refusé de lui dire sa destinée.
    Désormais, Khalil l’entrevoyait, ébahi de son importance et tout à la fois inquiet d’imaginer que ses cauchemars d’hier prenaient, avec un sens, une dangereuse réalité. Pourtant, chaque jour qui passait le rendait plus fort, plus confiant, plus déterminé et, à dire vrai, plus amoureux de cette jouvencelle si certaine de sa destinée.
    En Italie, l’hiver était moins rude qu’en Dauphiné, et grâce aux lettres de recommandation qu’Elora avait conjointement arrachées au pape et au roi de France, leur équipage trouva asile dans chacune des villes et chacun des villages qu’ils rencontrèrent. S’arrêtant deux jours ici, quatre là pour négocier les quelques vivres que l’host français avait laissés aux habitants des terres du Saint-Siège.
    Ils mirent trois semaines à atteindre Venise.
    À l’heure où Mathieu parvenait à Romans et que, enfin, le ciel du Dauphiné se dégageait, le noble Nycola était reçu par le doge et le remerciait de leur permettre un séjour prolongé.
    Le temps pour lui de trouver un navire en partance. D’escorter Elora et Khalil jusqu’en Istanbul.
    À la recherche d’une vérité qui rendrait un fils à sa mère et une épouse à Enguerrand si, par chance, Marthe n’avait pas encore refermé ses griffes maléfiques sur Mounia.
     
    Oui, Elora avait conservé cette vision des êtres qu’elle aimait.
    Mais en ce jour du vingt et un février de l’an de grâce 1495, elle eût, à l’inverse de sa mère, préféré en être privée.

34
     
    Les premières nausées étaient apparues quelques jours plus tôt. D’autres indices déjà avaient préparé Hélène. La difficulté plus grande de comprimer sa poitrine, devenue trop douloureuse, son retard puis son absence de menstrues. Lorsqu’elle se leva précipitamment de sa couche pour se plier en deux sur un spasme plus violent que d’ordinaire, elle fut convaincue d’être enceinte. Elle n’eut pas le temps de gagner le cabinet d’aisance contigu à la chambre. Le bras replié en travers du ventre, elle se vida bruyamment par terre, à quelques pas du lit.
    Éveillé par la violence de ses spasmes, Djem se dressa à son tour. Il demeura assis sur la couche, palpitant et en sueur, prisonnier d’une violente migraine qui le tenait depuis leur arrivée à Capoue, la veille. La bouche aussi amère que celle de son aimée, bouleversée de haut-le-cœur, il ne trouva pas de mots pour la réconforter. Il se contenta de la fixer, le regard trouble et la gorge dans un étau.
    Quelques minutes passèrent ainsi, tableau figé de souffrances conjointes, que les flammes dans l’élégante cheminée érigeaient en bûcher.
    Lorsque les spasmes cessèrent, Hélène dut s’appuyer au bois torsadé du baldaquin pour taire un vertige. Elle recula d’un pas, la chemise maculée. Elle était épuisée.
    Cherchant alors en lui une force qui s’obstinait à lui manquer, Djem réagit enfin. S’arrachant aux draps, il gagna à quatre pattes le pied du lit, s’agenouilla, étendit la main puis lui agrippa l’épaule.
    Hélène se laissa attirer vers l’arrière pour s’asseoir lourdement sur la couverture.
    — Bien le pardon, mon doux prince. Je suis peu ragoûtante à cette heure.
    Luttant contre lui-même, contre cette pression à ses tempes, il claqua de la langue avant de la rassurer.
    — Ce n’est rien. Lève les bras, je vais t’aider à te déshabiller.
    Elle obtempéra, soulagée d’éloigner d’elle la toile pestilentielle.
    Nue, Hélène s’abandonna contre le torse velu de Djem, à peine troublée de le sentir vaciller, se tasser sur lui-même.
    Il l’enlaça pour les ancrer, ensemble, à ce carré de lit.
    Malgré son estomac qui continuait de se tordre
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