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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys
Autoren: Chantal Touzet
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se
pétrit pas facilement. Jeanne de Brabant ne pouvait s’empêcher de la
comparer aux chevrettes sauvages de ses montagnes bavaroises, libres et
capricieuses, cabriolant à leur guise sur les escarpements. Elle saurait bien
la mettre au pas ; l’indiscipline de cette jeune personne ne saurait
ruiner ses entreprises.
    Ozanne se devait de lui rapporter ses faits et ses
dires ; mais, surtout, de surveiller son linge afin de lui signaler
immédiatement toute trace de sang. Car la princesse de Bavière était
toujours une fillette malgré ses treize ans bientôt révolus. Une bouffée de
rage fit flamber le visage de Jeanne de Brabant alors qu’elle songeait à l’ironie
du sort, qui voulait que son destin soit suspendu aux premières menstrues de
cette péronnelle malapprise.
    Elle fut soudain distraite de ses aigres pensées
par l’approche d’une bruyante chevauchée. Elle se pencha hors des ridelles et
vit une dizaine de très jeunes gens, tête nue, cheveux au vent, en chausses et
pourpoint, qui cavalcadaient avec enthousiasme. La plupart devaient avoir moins
de vingt ans. Nulle livrée, nul signe héraldique qui pût les identifier, mais
la qualité des harnois de leurs chevaux trahissait le haut parage. Ils
poussaient des cris pleins de rires, invectivaient avec éclat, bousculaient l’ordonnance
de l’escorte.
    À leur vue, Ozanne se rencogna dans la litière, soudain
toute pâle, tandis que Miette la Clabaude ronchonnait, fâchée du tapage qui l’avait
tirée de son sommeil.
    Dehors, chevaliers et gens d’armes tirèrent leurs
épées, mais le duc Frédéric de Bavière leva la main en signe d’apaisement.
    — Halte ! cria-t-il avec force.
    L’ordre se propagea, les hommes remirent au
fourreau, et le convoi s’immobilisa.
    L’un des jeunes hommes, celui qui menait la folle
cavalcade, fit le même geste d’apaisement pour calmer ses compagnons, puis il
exécuta une brusque volte qui fit cabrer son cheval devant Frédéric dont la
monture renâcla. En croupe, Isabelle, un instant déséquilibrée, affermit sa
prise autour de la taille de son oncle tandis que les deux hommes se saluaient.
    — Messire, admonesta le duc de Bavière, qui
que vous soyez, vous apportez le désordre à cette pieuse escorte qui fait route
vers le pèlerinage de saint Jean-Baptiste.
    — Mille pardons, messire, se contenta de
répondre l’importun tout en dévisageant la princesse de Bavière de façon
fort inconvenante.
    Gênée, celle-ci rosit, mais se reprit aussitôt. Se
redressant avec orgueil, elle releva le nez, et défia ce regard insolent. Elle
avait les yeux les plus admirables qui soient, soulignés de cils longs et
abondants. Ses prunelles étaient d’un noir de nuit, avec des fulgurances
violettes lorsqu’elle était en fureur, comme à l’instant, alors qu’elle s’exaspérait
de cet examen. Enfin, elle n’y tint plus.
    — Ne savez-vous pas devant qui vous vous
tenez ? lança-t-elle d’une voix claire. Nommez-vous, messire !
    Ce dernier se contenta de répondre par un éclat de
rire heureux. Il s’inclina profondément devant elle, la main sur le cœur, avant
d’éperonner son cheval et de s’éloigner au galop en hurlant :
    — L’on ne m’a point menti ! Noël, Noël !…
    Sa petite troupe s’élança à sa suite dans un train
d’enfer en reprenant à tue-tête ce cri de la liesse populaire : « Noël,
Noël ! »
    Un chevalier cependant était resté ; il était
aussi brun que l’autre était blond, et bien qu’aussi jeune, il paraissait plus
mûr. L’homme semblait frappé de stupeur dans la contemplation d’Isabelle. Il
avait un regard sombre, où se mêlaient l’admiration et l’étonnement. Mais la
princesse de Bavière ne prit pas garde à lui, elle suivait des yeux le
beau cavalier blond qui, abandonnant brusquement ses compagnons, faisait
demi-tour. Il s’arrêta à bonne distance dans une éclaboussure de soleil, la
regardant à nouveau. Il se tenait bien campé sur sa selle, un large sourire aux
lèvres.
    Tout à loisir, elle remarqua le riche pourpoint
dont il était vêtu, fait de soie vert herbeux, brochée d’un cerf ailé sur la
poitrine. Elle était fascinée par la fière allure du jeune homme, par sa
carrure et l’étroitesse de ses hanches. La lumière jouait dans ses boucles
dorées, auréolant son séduisant visage à la manière des enluminures des romans
de chevalerie. L’irritation d’Isabelle tomba d’un coup.
    — À moi,
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