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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys
Autoren: Chantal Touzet
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dire ?
    Catherine de Fastatavin se redressa et
regarda sa compagne, surprise par cette question saugrenue. Les appels des
cornes lui évitèrent de répondre.
    — Il nous faut retourner, se contenta-t-elle
de dire en se levant.
    — J’ai pas envie, pas encore ! protesta
Isabelle.
    Elle prit un air renfrogné en fixant un bourdon
qui butinait un coquelicot, froissant avec acharnement les fragiles pétales. Sur
fond d’azur, deux buses évoluaient de concert, décrivant dans le ciel une ronde
paresseuse. Elles lui rappelaient son vieux château de Ludwigsburg et son
oisellerie ; surtout Autan, son épervier, lui manquait. Il devait s’ennuyer
sans elle. Ils n’avaient même pas pu courir l’alouette ensemble aux premiers
beaux jours du printemps.
    — Allez debout, Isabelle ! s’impatienta
Catherine. M me  de Brabant sera courroucée d’attendre.
    — Au diable la Brabant et ce pèlerinage à
Saint-Jean d’Amiens ! C’est vraiment trop cruel d’être si loin de la
Bavière.
    Elle se leva néanmoins et défroissa sa jupe d’où
elle détacha quelques picots. Catherine prit son amie par la main.
    — Allons, viens, nous sommes bientôt rendues,
et nous serons encore plus vite de retour chez nous.
    Elles s’en revinrent en silence, main dans la main.
Elles avaient toutes deux la nostalgie de leur pays natal.
    Les cornes lancèrent à nouveau leur appel, pressant
les retardataires : le convoi reprenait la route.
    *
    Depuis Bruxelles, la suite de la princesse de Bavière
s’était considérablement étendue, et l’on cheminait à présent en grand équipage.
Le gros de la chevalerie de l’ost du duc de Bavière s’était rallié à sa
piétaille. À cette armée s’étaient joints les nobles gens des maisons de
Brabant et de Bourgogne. Leurs chariots suivaient au pas lourds des bœufs, chargés
de meubles, vaisselle, tapisseries, garde-robes et autres trésoreries, dont les
seigneurs s’encombraient dans tous leurs déplacements, déménageant ainsi de
château en château.
    Le convoi s’étirait sur plusieurs lieues et les
paysans aux champs accouraient pour le voir passer, saluant de leurs larges
chapeaux. Les bannières chatoyantes claquaient fièrement au vent ; les
armoiries fuselées d’azur et d’argent de Bavière rivalisaient avec les lions
rampants du Brabant, le bandé de Bourgogne, et avec les flammes héraldiques des
nombreux seigneurs qui composaient sa suite, une suite digne d’une reine.
     
    Dans un cliquetis d’armure et de harnais martelé
par le piétinement des chevaux, le long cortège s’ébranla. Isabelle, par
sourires et prières, avait gagné l’indulgence de Jeanne de Brabant afin de
monter en compagnie de son oncle Frédéric. Assise en amazone sur la housse de
croupe, elle était follement ravie d’échapper à l’ennuyeuse présence de la
douairière. Chevauchant derrière elle, Catherine avait reçu même permission
avec le seigneur Adémard de Courtemay.
    La jeune princesse se retourna, cherchant le
regard complice de son amie, mais celle-ci ne lui accorda aucune attention :
elle avait posé son fin menton sur l’épaule de son seigneur bavarois, lui
enserrant la poitrine de toute la force de ses bras. Isabelle pinça les lèvres
de dépit : Catherine, dès qu’elle était avec Adémard, n’avait d’yeux que
pour lui et prenait des airs niais. C’était le seul sujet de dispute entre
elles.
    — Tu es encore trop jeune pour comprendre, lui
avait-elle dit avec suffisance.
    Catherine de Fastatavin était une ravissante
Bavaroise, déjà fort bien pourvue d’appas pour ses quinze ans. Elle avait une
chevelure couleur de blé mûr aux reflets fauves, un visage de fouine en forme
de triangle terminé par un menton effilé. Le nez aussi était très fin comme
pour laisser plus de place à ses immenses yeux bleu marine que bordaient des
cils si blonds qu’ils en étaient transparents.
    — Qu’est-ce qu’il y a à comprendre ? Une
niaiseuse est une niaiseuse, lui avait répondu Isabelle avec humeur.
    — Tu n’as pas encore le sang. Ta très noble mère,
dame Thadée Visconti, avait défendu de te parler de toutes ces choses tant que
tu n’aurais pas le sang.
    Il est vrai que Catherine mettait, toutes les
lunes, un linge garni d’étoupe entre ses jambes, qu’elle ôtait tout sanglant. Elle
semblait tirer de cette dégoûtante indisposition une grande fierté. Isabelle en
avait conclu que les femmes devenaient stupides
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