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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys
Autoren: Chantal Touzet
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Isabelle est purement imaginaire, mon but étant de
simplifier les faits pour une meilleure lecture et d’en aviver le suspens. Certaines
dates sont contestables et pourront être contestées, mais elles sont souvent
imprécises dans les généalogies : ainsi, celles des naissances ou des
décès, à une époque où l’état civil n’existait pas. Je pourrais citer d’autres
exemples de licences, mais elles ne portent que sur des faits mineurs et ne
trahissent en rien le déroulement ni la véracité des événements, qui sont ici
scrupuleusement respectés.
    C. T.

I
Pèlerinage à Saint-Jean d’Amiens

1
En Picardie
    Un jour, pour charmer son ennui, le roi de France, Charles
le sixième, dit le Bien-Aimé, était allé à la chasse dans la forêt de Senlis. Il
aperçut un cerf, plus beau que les autres, qui portait au cou un collier de
cuivre doré, avec cette inscription : «  C æ sar hoc mihi
donavit. » (César me l’a donné.) Il lui fut assuré que cet animal
était resté dans ce bois depuis le temps de cet auguste empereur romain, ce qui
était grand prodige.
    Le jeune roi fut tellement enchanté que depuis il a
fait graver sur sa vaisselle d’or et d’argent, et sur tous les meubles d’apparat,
un cerf volant portant ce collier.
    D’après la Chronique du religieux de Saint-Denys
    En tête de colonne, dressé droit sur ses étriers, Frédéric,
duc de Bavière, leva haut le bras. Une corne mugit, des ordres répétés en
écho, et le long convoi s’immobilisa sur le pavement de la route d’Amiens. Une
silhouette menue sauta prestement d’une litière armoriée. Elle fila sur un
sentier de chèvre et disparut derrière un taillis tout en retroussant la jupe
de son surcot.
    À l’abri du bosquet, jambes écartées, soupirant d’aise,
Isabelle Wittelsbach Visconti d’Ingolstadt, princesse de Bavière, pissa, tout
debout.
    L’air vibrait d’un soleil acide qui gardait
quelque chose de printanier en ce jour de juillet 1385. Il fit miroiter la
fine rigole dorée qui se formait entre ses pieds, cherchant son chemin de pente
dans le cailloutis. Une courtilière qui passait par là s’y prit ses pattes
grêles, qu’elle agita de spasmes furieux, outrée de cette rencontre
malencontreuse. Isabelle, qui l’observait, éclata de rire.
    Derrière les fourrés, le tumulte se gonflait d’une
effervescence de caquetages et d’exclamations. Le charroi déversait ses gens, les
cavaliers mettaient pied à terre, chacun profitait de la halte pour se soulager
et se dégourdir les jambes.
    Isabelle secoua sa cotte de drap vert, lissa
par-dessus son surcot de taffetas rose changeant et s’esquiva. Elle se mit à
courir de toute son âme sur le sentier bordé de genêts en fleur, comme sur les
chemins escarpés de sa Bavière, heureuse de son jeune corps affamé de liberté
et d’exercice. La ceinture haute, vert et or, qui lui étranglait la taille la
gênait à peine. Bien moins que la lourde tresse de sa chevelure noir de jais
qui lui fouettait les jambes comme un serpent animé de rage par la course. D’un
geste coutumier, elle attrapa la torsade de ses cheveux entrelacée de rubans et
l’enroula autour de son poignet sans ralentir sa course… quand soudain elle
entra de plein fouet dans un homme au détour de la sente. Deux longues mains
osseuses l’agrippèrent, l’empêchant de choir.
    Isabelle leva les yeux et rencontra un regard
blanc tourné vers le ciel. L’homme n’avait pas de prunelles. C’était l’un de
ces nombreux errants, moines mendiants, mages ou astrologues, hirsutes et
déguenillés, qui sillonnaient les routes. Certains étaient fort bavards et
radoteurs, mais il était recommandé de les laisser dire avec patience et
respect. D’aucuns prétendaient que leur charabia était l’invisible et
mystérieuse voix du Seigneur et qu’il était mal avisé de moquer leur
incohérence, de peur de s’attirer le mauvais œil.
    Celui-ci était immense, long, maigre, dans une
pelisse multicolore faite de morceaux d’étoffes rapportés. Il était d’allure
fière malgré son infirmité. Son visage était glabre, à la peau cuite et tannée ;
ses cheveux gris bleu, noués sur la nuque par un lacet, descendaient en
queue-de-cheval jusqu’au milieu du dos.
    Curieusement, la princesse de Bavière n’eut
pas peur alors qu’il la palpait avec la légèreté des mains d’aveugle.
    — Je vois le chaos et la guerre. Le frère
tuera le frère. Le fils reniera la mère. La
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