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Céline secret

Céline secret

Titel: Céline secret
Autoren: Véronique Robert
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surtout du Shakespeare,
qu’il adorait, et dont il disait qu’il aurait donné tout ce qu’il avait fait
pour être capable d’écrire un seul vers de lui. Au-dessus de son bureau aussi,
une déclaration de Baudelaire en forme de manifeste qu’il désignait aux
journalistes lorsqu’il ne voulait pas répondre à leurs questions :
    « Ce monde a acquis une épaisseur de vulgarité qui
donne au mépris de l’homme spirituel la violence d’une passion. J’ai eu
l’imprudence ce matin de lire quelques feuilles publiques. Soudain, une
indolence du poids de vingt atmosphères s’est abattue sur moi, et je me suis
arrêté devant l’épouvantable inutilité d’expliquer quoi que ce soit à qui que
ce soit. » De la rue Lepic, on a été passer un mois à
Saint-Germain-en-Laye, dans une petite maison. Là, Louis a essayé d’ouvrir un
cabinet médical et ça a été une véritable catastrophe. Je mettais des cartes
dans toutes les boîtes aux lettres de Saint-Germain, sa mère en remettait aussi
en mains propres en disant : « C’est pour mon fils, il est
médecin. » En un mois, on a eu un seul client. C’était une maison vide
qu’on avait louée et j’avais cloué aux fenêtres des rideaux qu’on ne pouvait ni
ouvrir ni fermer. Un seul malade, ça a été décisif, son envie d’exercer s’est
vite évanouie.
    Déjà au Havre, il avait fait des remplacements pour un
confrère dont il avait perdu la clientèle. Il ne pouvait pas réussir, il ne
donnait de médicaments qu’indispensables, et le plus souvent se contentait de
simples conseils de bon sens et d’hygiène. Il ne cherchait pas à faire sérieux.
Il avait aussi fait retirer de la maison tous les meubles pour que je puisse
danser.
    Le Havre a vraiment été une expérience extraordinaire, quand
le confrère est revenu, il n’y avait plus rien, plus de meubles, plus de
malades.
    Louis s’est ensuite embarqué sur le Shella pour
combattre les Allemands et j’ai été habiter chez sa mère, 11, rue Marsollier.
Son bateau coulé, il est rentré au début du mois de janvier 1940 pour être
nommé médecin-chef du dispensaire de Sartrouville.
    Le 10 juin, nous avons quitté Sartrouville dans une
ambulance pour gagner Saint-Jean-d’Angély, le 14 juillet. Louis soignait les
blessés sur la route et, habillée en infirmière, je l’aidais comme je pouvais.
Moi qui ne savais pas conduire, je dus, à plusieurs reprises, prendre le
volant. Là, nous avons été confrontés au pire, mais dans le feu de l’action, on
supporte tout.
    Un jour s’est présenté à nous un blessé avec un couteau dans
la poitrine qui se vidait de son sang tandis que je m’évanouissais. Un autre
jour, c’était un homme à moitié mort qu’on avait amené pendant que je discutais
devant un guichet, à l’hôpital. Dès que je l’ai aperçu, je me suis effondrée
par terre.
    Pendant cet exode, on a rencontré aussi beaucoup d’enfants
anormaux. J’en revois surtout un, que j’appelais « petit poisson »,
qui n’avait pas de jambes et qui s’accrochait à moi.
    Nous avons en un mois tout vu, tout vécu.
    A Issoudun, des soldats français jetaient leurs armes dans
les fossés et voulaient se constituer prisonniers. Le découragement était
terrible.
    Je regrette que Louis n’ait pas retranscrit ce moment de
notre vie, c’était comme une fresque de Bruegel, de Jérôme Bosch, c’était
inoubliable.
    A notre retour, Gen Paul nous a trouvé un appartement au 4,
rue Girardon où, à partir du mois de février 1941, on a habité sans jamais
vraiment s’installer. Il y avait une grande pièce avec nos affaires et une
petite où l’on couchait et d’où l’on voyait le Sacré-Cœur. C’est là qu’un jour,
au début des années 1940, en pleine Occupation, j’ai vu arriver Jean-Paul
Sartre qui venait demander à Louis d’intercéder en sa faveur auprès des
Allemands pour qu’on joue à Paris sa pièce les Mouches. Louis a refusé,
il lui a dit n’avoir aucun pouvoir auprès des Allemands. C’était vrai, mais
Sartre ne l’a sans doute pas cru, il lui en a voulu et plus tard il l’a accusé
d’avoir écrit des pamphlets à la solde des Allemands.
    Rien n’était plus absurde comme idée. C’était ne pas
connaître Louis, à la solde de personne, intransigeant avec tout le monde,
incapable de pactiser avec qui que ce soit, toujours seul contre tous. La
réponse de Céline à l’Agité du bocal sera cinglante et ôtera à Sartre
toute envie
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