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Céline secret

Céline secret

Titel: Céline secret
Autoren: Véronique Robert
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cavalerie je crois.
    Il est parti en 1912 et revenu en 18.
    Il avait vingt-sept ans et ma mère seize quand ils se sont
connus. Ma mère a voulu mon père, comme en enfant gâtée, elle aurait voulu un
nouveau jouet : il était beau, il portait l’uniforme, elle l’a épousé. Il
est parti tout de suite à la guerre et la guerre a tué leur amour. Quand il est
rentré, ce n’était plus le même homme. C’était fini. Il disait :
« Une femme, ça se prend comme un bifteck, c’est tout. » Ils ont
attendu que je sois majeure pour divorcer mais ils se disputaient sans cesse,
avaient des liaisons chacun de leur côté et ils étaient jaloux quand même.
    A l’époque où ils étaient encore amoureux, je me souviens
d’une scène terrible. Ma mère était médium. Une nuit, elle a voulu passer par
la fenêtre pour aller rejoindre mon père qui se trouvait au front. C’était le
jour où il a reçu une balle qui heureusement n’a traversé que son casque.
    La dernière preuve d’amour de mon père à ma mère, c’était à
Dieppe. Elle avait été se baigner dans une mer démontée et, rejetée par les
vagues, elle ne pouvait pas rentrer. C’était une très bonne nageuse, mon père
lui ne nageait pas bien, il est allé la chercher.
    Mes grands-parents paternels possédaient des terres situées
près de Mortagne, là où Gabin a eu tous ces ennuis quand il a voulu s’y
installer.
    Mon grand-père fabriquait des bateaux en bois. Il ne parlait
jamais, je l’adorais, mais il ne m’a peut-être pas dit deux mots dans sa vie.
    Il était menuisier à Saint-Nazaire, compagnon du tour de
France. Il s’est établi par la suite à vingt kilomètres de Mortagne, ville des
Maures, dans le Perche. C’est de là que vient mon nom Almanzor qui date de 732,
quand Charles Martel a chassé les Arabes de Poitiers ; Louis s’intéressait
beaucoup à la généalogie, il pensait que l’origine arabe de mon nom expliquait ce
goût que j’ai toujours eu, sans raison, pour les danses orientales et
espagnoles. J’avais un don, sans jamais les avoir étudiées, un peu comme si
c’était dans mes gènes.
    Tous les jours ma grand-mère buvait un petit verre de
calvados avant d’aller traire ses vaches. Un matin, elle ne s’est pas levée,
n’a rien bu, et elle est morte dans la journée…
    Je suis retournée à Mortagne longtemps après, tout avait
changé. J’ai retrouvé une vieille dame qui avait connu ma grand-mère, elle
ressemblait à un bout de bois.
    Quand nous avons quitté l’île Saint-Louis, j’étais encore
toute petite et toujours aujourd’hui je me perds, quand j’essaie de retrouver
le numéro de la rue Saint-Louis-en-l’île où j’habitais. Je me souviens
seulement d’un immense mur.
    Nous nous sommes installés au 12, rue Monge. C’était un
endroit situé au fond d’une cour encaissée, entouré par des immeubles. Quand
j’y pense aujourd’hui, je revois les Mystères de Paris peut-être parce
que Eugène Sue a habité la rue jadis. J’étouffais, mes parents n’étaient jamais
là, j’étais seule toute la journée et jouais à descendre la rue Monge sur une
planche.
    Le jour de ma première communion à Notre-Dame-des-Victoires,
ma mère avait mis une robe en dentelle, très décolletée à la Mae West. La honte
que j’ai éprouvée à cette occasion est toujours, quatre-vingts ans plus tard,
aussi vive.
    J’adorais aussi aller au Jardin des Plantes voir les
animaux, surtout un éléphant qui avec sa trompe crachait sur les visiteurs.
Quand on a l’habitude de vivre avec des animaux, on ne peut plus supporter les
hommes. Eux seuls sont authentiques, ils ne trichent pas. A quinze ans, j’ai eu
un singe qui est mort de tuberculose, comme un enfant, en me tenant la main.
    Un soir ma grand-mère maternelle a fait semblant d’être
morte. Elle s’est cachée pour voir comment je réagirais. J’ai pleuré et voulu
disparaître à mon tour. Elle est morte, le lendemain, à cinquante-six ans, dans
un taxi. J’avais neuf ans et avais rêvé quelques jours auparavant que ma mère
était en grand deuil.
    Quand j’ai eu dix ans, nous avons encore déménagé pour aller
vivre au 22, rue de la Banque. Je suis restée là jusqu’à vingt ans. C’était
très triste, il n’y avait pas un commerce et le dimanche les rues étaient
désertes. Mon père était directeur d’une maison de broderie qui occupait un
immeuble de cinq étages. Il était expert-comptable et travaillait pour
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