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Céline secret

Céline secret

Titel: Céline secret
Autoren: Véronique Robert
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et
sans arrêt, on a eu peur de la mort. Des communistes menaçaient de le tuer,
après ce sont des juifs qui s’y sont mis. On a vécu l’Exode, la prison, le
Danemark. Ça a été de pire en pire, et à Meudon il a commencé à mourir. Tout le
monde n’a pas eu cette vie-là. On a été traqués comme des rats. Sans la danse,
je serais morte.
    A quatorze ans, j’ai décidé de me présenter au
conservatoire, je n’avais préparé aucune variation, mais j’ai été reçue en même
temps au conservatoire de danse et de comédie. J’adorais faire rire mais j’ai
choisi la danse. Se consacrer à la danse, c’est comme entrer au couvent. C’est
renoncer à tout pour sa passion. C’est donner vingt ans de son existence. Après
quand c’est fini, il ne reste plus rien. Pour ceux qui ont choisi la musique,
c’est plus facile car on peut jouer d’un instrument toute sa vie. Nous, notre
instrument, c’est notre corps et il vieillit. Il faut aimer la danse pour
elle-même, pas pour le succès… C’est un plaisir solitaire, un bonheur pour soi,
très égocentrique. Malheureusement, j’étais trop souple, trop laxe et je me
suis abîmé le genou très vite. J’ai dû abandonner la danse classique.
    Avant de me consacrer à la danse de caractère, j’ai fait un
peu de comédie. A l’Odéon, dans la Tempête de Shakespeare, je jouais un
feu follet. On m’avait maquillée comme une poupée, mon rimmel avait coulé, les
yeux complètement collés, je ne voyais plus clair. Je devais mettre une table
au milieu de la scène, je l’ai mise n’importe où et je devais disparaître quand
la lumière reviendrait. Je suis, bien entendu, restée sur scène comme une
gourde. Je ne sais pas pourquoi, on m’a gardée.
    J’ai aussi été engagée pour interpréter Isadora Duncan. Je
portais de grands voiles et devais danser sur un ponton qui donnait directement
dans la mer. Si je ne suis pas tombée, c’est un miracle.

 
CHAPITRE III.
     
    COURS DE DANSE. LA MÉTHODE.

 
    Un rectangle de verre transparent qui laisse
passer le monde.
    Tout en haut, l’air, le ciel et les nuages qui
glissent doucement.
    De chaque côté, la verdure tendre d’une végétation
que le vent fait trembler.
    Posé là, léger, précaire, aux pieds de la maison,
c’est le studio de danse.
    A quatre-vingt-cinq ans, Lucette travaille encore les
mouvements aériens qui font voler les corps.
    Elle conserve intactes une souplesse et une technique que
le temps qui passe ne parvient pas à entamer. Deux fois par semaine nous sommes
quelques-unes à l’accompagner au son d’une musique qui nous transporte sur les
plages normandes où la mer en colère gronde, les mouettes gémissent et le vent
hurle. En silence et en respirations nous accomplissons ainsi les rites païens
d’une messe où chacune se ressource au plus profond d’elle-même.

 
    Dès le début, à l’Opéra-Comique, je me préoccupais de
trouver une méthode de mouvements qui, à la différence de la danse classique,
n’abîme pas le corps. A l’époque déjà, c’était plus fort que moi, dès que je
voyais quelqu’un, je voulais le refaçonner, le remodeler, le remettre bien dans
son corps, en harmonie avec lui-même.
    J’avais dessiné tous mes mouvements sur un grand cahier qui
a brûlé lors du premier incendie de ma maison en 1968. Sept ans après, en 1975,
ce sera le tour du pavillon de danse en haut du jardin.
    Les exercices doivent être faits de l’intérieur pas de
l’extérieur, la force rentrée dans le ventre, les fesses serrées, tout en
souplesse et respirations. Des « huit » avec les bras et avec les
jambes, dans un sens puis dans l’autre, la respiration retenue pendant l’effort
puis relâchée après. Le dos plaqué au sol, comme une pieuvre. Ils
s’accomplissent dans un ordre précis, leur difficulté allant en progressant.
    Le premier mouvement, celui de la chenille, est le plus
important. On soulève son dos et on le repose au sol vertèbre par vertèbre,
très lentement en relâchant sa respiration. Quand on a compris le principe même
de cet étirement de chat, après on pourra tout faire, plus ou moins rapidement
bien sûr, selon ses aptitudes.
    Pour mettre au point mes enchaînements, j’ai étudié toute
seule le corps humain sur une planche d’anatomie où tous les muscles étaient
indiqués. Louis m’expliquait ensuite à quoi ils correspondaient. Voilà pourquoi
j’ai passé ma vie avec des gens accrochés à moi comme des
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