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Céline secret

Céline secret

Titel: Céline secret
Autoren: Véronique Robert
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de
grandes maisons de couture, plus particulièrement Patou. Malheureusement il a
fait faillite et nous avons dû partir, quitter ce quartier d’affaires derrière
la Bourse. C’était aussi un grand sportif qui adorait le vélo. Nous montions
dans les arbres pour voir passer le Tour de France.
    Mon père est mort à l’âge de soixante-dix ans. Il s’était
remarié après son divorce avec une femme ménagère que Louis appelait « la
mite » et qui m’a séparée de lui.
    J’allais à la même école communale que Céline vingt ans plus
tôt.
    C’est étrange pour moi de constater aujourd’hui que Louis et
moi, à vingt ans d’intervalle, avons fréquenté les mêmes lieux, un peu comme si
j’avais suivi d’invisibles traces.
    A quatorze ans, je donnais mes rendez-vous galants sous le
pont Henri-IV et allais prendre mes chocolats dans un café, « le
Rigodon », titre du dernier livre de Céline, et qui n’existe plus
aujourd’hui. A Dieppe aussi où ma mère est née, les parents de Louis
possédaient quatre petites maisons de pêcheurs.
    Passage Choiseul, mon père achetait toujours de la dentelle
chez la mère de Louis.
    Au café de la Paix, nous allions tous les dimanches manger
une glace en famille. C’était le quartier général de Louis, toujours en attente
d’une nouvelle aventure avec une danseuse de l’Opéra tout proche.
    Le père de Céline aimait dessiner des danseuses, son fils
développera la même passion pour la danse.
    C’est en 1912, année de ma naissance, que Louis s’est engagé
pour trois ans au 12 e régiment des cuirassiers à Rambouillet. Il
vivra la guerre et sa vie entière s’en trouvera bouleversée…

 
CHAPITRE II.
     
    DANS LE HAUT DU JARDIN. LA DANSE ENCORE ET TOUJOURS.

 
    La demeure de Meudon est comme ces poupées russes qui
s’emboîtent les unes dans les autres. Ce qu’on voit d’emblée, c’est la ville
couchée loin là-bas, derrière le fleuve. Elle précipite dans le futur,
scintille dès que le jour chavire et aspire tout.
    Puis on est entraîné, sur l’autre versant, au jardin,
dans un silence peuplé d’arbres et de chants d’oiseaux. C’est le côté du passé.
    Enfin, on découvre dans le ventre de la maison, le sauna.
Il enferme dans une bulle de chaleur amniotique, il gomme et répare la vie.
C’est le lieu de tous les possibles, de tous les sortilèges.
    Cet après-midi, il fait beau, une ombre légère pèse sur
Meudon et nous montons au jardin.
    La pente est raide pour accéder aux vestiges de ce que
Lucette appelle son pavillon chinois où elle donnait ses cours de danse et qui
a brûlé en 1975.
    Longtemps, elle a rêvé de faire construire, comme à
Montmartre, un funiculaire pour grimper là-haut. Et puis elle y a renoncé.
    Sur une plate-forme instable, nous posons un lit de
coussins douillets et la tête vers le ciel, nous ne voyons plus que le cèdre
immense rempli d’oiseaux. Aujourd’hui nous passons une journée entière dans les
arbres.

 
    Mon plus grand regret a été de ne pas faire d’études.
Personne non plus ne m’a jamais conduite au musée. Tout ce que je sais, je l’ai
appris seule. J’adorais les enluminures. Chez Fra Angelico, il y a une naïveté,
une pureté qui m’émeut davantage que ne peut le faire un Botticelli, plus
Renaissance, trop ouvragé à mon goût. J’aimais aussi l’amour courtois, Louise
Labé, toute la littérature du Moyen Age, Ronsard, Du Bellay. Je le cachais à
Louis car j’avais peur de paraître ridicule.
    De la même façon, je suis moins touchée par les voix
métalliques, trop travaillées des chanteurs de l’Opéra que par des chants
grégoriens ou des polyphonies.
    Le plus souvent les gens sont creux, il n’y a que la façade,
c’est vide derrière. En Bretagne, il y avait un cimetière où tout avait été
détruit, seul un chemin de croix subsistait. C’était magnifique. Au Louvre
c’est un Christ en croix qui m’a le plus bouleversée. L’essentiel est dans l’émotion.
    Je n’ai pas fait d’études, mais j’ai ressenti dans mon
existence la plus grande passion qui puisse être au monde.
    C’est la danse qui m’a tenue en vie durant toutes les
épreuves que j’ai eues à traverser, mon enfance si triste, la vie avec Louis si
difficile, la fuite, la prison, le Danemark, Meudon où Louis déjà n’était plus
de ce monde et après bien sûr, toute la vie qui a dû continuer sans lui.
    J’ai connu Céline en 1936, au moment du Front populaire,
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