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Céline secret

Céline secret

Titel: Céline secret
Autoren: Véronique Robert
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moi souvent, ils s’embrassaient ; de vrais
baisers d’amoureux, des langues profondes qui s’achevaient en roucoulement de
colombe. Il était vieux, tout cassé, ça n’avait pas d’importance, ils
s’aimaient.
    Lili se conduisait avec lui en gamine capricieuse,
critiquait sa peinture et ne le prenait pas au sérieux.
    Elle pouvait tout se permettre, moi j’étais là pour
distraire Lili, c’est tout.
    Dubuffet pensait que Céline et lui étaient les deux génies
du siècle. Louis l’a toujours pris pour un mystificateur, mais ça lui était
égal.
    Dubuffet détestait les flatteurs et avec lui j’ai toujours
parlé vrai. Il volait leur âme aux fous en s’inspirant de leurs dessins et il
aurait bien voulu me faire, moi aussi, dessiner.
    Il avait complètement changé de vie à quarante-cinq ans.
Tout était pensé, fabriqué, rien n’était laissé au hasard. Jusqu’à cinquante
ans, il travaillait comme Toulouse-Lautrec, puis il s’était lancé dans
l’aventure de l’art brut.
    Céline n’aimait pas les femmes hystériques. Moi, j’étais
fidèle dans l’âme. Tout pouvait s’arrêter du jour au lendemain, à cause de lui,
jamais de moi.
    Récemment, j’ai un peu connu et beaucoup aimé Mouloudji.
    Kabyle aux yeux veloutés et charmeurs, il aimait les femmes
et les chats dont il avait la grâce et la furtive délicatesse. C’était un
morceau d’émotion où s’imprimaient les plus fines vibrations de l’air. Il est
parti trop vite après notre rencontre, et aujourd’hui il me manque.
    Juste après la disparition de Céline, je m’étais enfermée
dans la pièce là-haut : je ne voulais plus vivre, j’attendais, souhaitant
mourir. Roger Nimier est arrivé pour me voir avec son fils âgé à l’époque de
deux ou trois ans. Il me l’a lancé dans les bras, sans un mot. C’était très
émouvant.
    J’ai immédiatement réagi et compris que je devais me battre.
    Louis m’avait choisie pour qu’à travers moi, il vive encore.
Sa fille ayant renoncé à la succession, j’ai fait retranscrire Rigodon et me suis occupée de le faire éditer. Damien, le maire de Versailles, avait
projeté sa parution dans la gazette locale sous forme de feuilleton. C’était
inacceptable et j’ai immédiatement contacté Gaston Gallimard qui est venu
parler avec moi. Je me suis battue contre les conditions que me proposait son
fils Claude. J’ai tenu bon lors du procès fait à Nord et tout cela, je
l’ai gagné grâce à mes cours de danse qui m’ont permis de vivre en attendant.
    Seule, je n’aurais rien pu faire.
    J’avais demandé à Damien, qui était aussi avocat, de
m’aider. Très vite débordé, il m’a un jour présenté pour le remplacer un tout
jeune homme timide et secret.
    Et c’est ainsi qu’au mois de juillet 1962, j’ai fait la
connaissance de François Gibault…
    Il avançait orgueilleusement dans l’existence en compagnie
de son ami Bob, fou d’opéras et de voyages.
    Bob avait quelque chose de prussien dans l’allure et le
tempérament, et je l’imaginais en guerrier sauvage capable de tuer des ours à
mains nues dans la steppe gelée.
    Plus jeune, il avait voulu être prêtre et était entré au
séminaire.
    Tous les trois, nous nous sommes alors mis en route et
promenés de par le monde.
    Grâce à eux deux, la vie s’est à nouveau glissée en moi.
    A cinquante-deux ans, j’ai aussi passé mon permis de
conduire. C’est le code par cœur qui m’a donné le plus de mal.
    Après, seule, je suis vraiment entrée dans la fosse aux
lions. Tout au long de ma vie sans Céline, j’ai voulu le défendre, et ça a été
mon unique et immense force.
    Aujourd’hui, je suis comme une voiture qui n’a plus de
moteur. Il ne reste que la carcasse ; je ne pensais pas que c’était si
long de mourir.
    « A Lucette Almanzor, si secrète encore au seuil de la
vie. » Cette première et seule dédicace de Louis pour moi sur un
exemplaire du Voyage au bout de la nuit me fait mal.
    Je n’ai plus aucun secret, plus aucune autonomie et une
équipe de garde veille sur moi, jour et nuit.
    Tout le monde discute de mes moindres faits et gestes, j’ai
l’impression d’être à nouveau en prison.
    Même mes chiens sont aplatis et il me semble que la maison
est remplie de gendarmes qui interdisent tout.
    Je suis de moins en moins présentable, d’ici peu je
recevrai, comme Sarah Bernhardt, mon cercueil à côté de moi. Comme dans
l’Antiquité, le tombeau est prêt.
    Je ne
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