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Céline secret

Céline secret

Titel: Céline secret
Autoren: Véronique Robert
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des
abeilles pour prendre du miel et puis ils sont tous repartis.
    Je me suis fait voler toute ma vie, sans doute à cause de ma
mère qui le faisait et m’a pervertie.
    Ensuite, je n’ai plus pu changer ma nature. Louis me
disait : « Tu es un mouton, tu es faite pour te faire tondre. »
    Marcel Aymé me demandait : « Lucette, quand
saurez-vous dire non ? » Avec Louis, j’ai perdu beaucoup de ma
naïveté. Comme lui jadis, il m’arrive de voir parfois les gens tout nus dans
leurs vêtements. Cette extrême lucidité, comme un acide qui brûle, me permet de
déceler les turpitudes et le double jeu de beaucoup d’êtres.
    Je demeure incapable de le leur dire, je continue à faire
semblant, c’est mon infirmité, ma lâcheté.
    Aujourd’hui j’ai l’impression d’être une carcasse en
Afrique. Tout le monde continue à me tirer dessus pour attraper un peu de
viande, mais la bête est encore vivante.
    Dans ma vie, je n’ai pas éprouvé de plus grande jouissance
que de nager dans la mer, me battre contre les vagues.
    Peut-être aussi répéter indéfiniment un mouvement et réussir
à l’exécuter. C’est la même chose, un combat gagné sur le corps.
    Lorsque, après mon opération du genou, j’ai, grâce à mes
exercices, entièrement reconstruit mon articulation, j’ai éprouvé un vrai
sentiment de triomphe quand le chirurgien m’a dit : « Si ce n’était
pas moi qui avais placé dans votre jambe une rotule en plastique, je croirais
que c’est votre vrai genou. » C’est un peu la victoire de l’esprit sur la
matière.
    Si j’aime autant la peinture de Bonnard, c’est pour la même
raison. La qualité de la lumière qui transparaît dans ses toiles est
exceptionnelle. Je pense plus particulièrement au Nu sombre où la clarté
est si vive et subtile à la fois qu’elle gomme les contours mêmes d’un bras,
irisant ainsi le corps entier de la femme de quelque chose d’immatériel qui la
transcende.
    Dans la vie, je pense que tout est difficile et doit
s’apprendre. Un moment, je lisais les mémoires des favorites des rois. Ce qui
était délicat, ce n’était pas de plaire. Quand on est jeune et belle, on n’a
que l’embarras du choix, la prouesse, c’était de durer. C’est un vrai métier
qui s’apprend.
    Pour savoir si une vie a été ou non heureuse, on doit la
voir jusqu’au bout. La mienne est en mille morceaux que je n’arrive pas à
ramasser, je suis trop vieille.
    Pour mes quatre-vingt-six ans, j’étais au milieu des autres
comme un bébé. Avec le grand âge on retombe en enfance et on vous trimbale de
la même façon.
    Couchée, je ne m’ennuie pas. Je voyage dans ma tête. Des
images apparaissent et disparaissent.
    Louis m’avait dit : « Toutes les femmes te
détesteront. » C’est vrai, toutes les femmes de la vie de Louis m’ont
détestée.
    Marie Bell, que j’avais connue au conservatoire bien avant
Céline, ne m’appréciait pas. J’étais chargée de créer des pas. Elle seule a
refusé de les faire.
    Marie Canavaggia était amoureuse de Louis et ne m’aimait pas
non plus.
    Karen, la danseuse danoise qui nous hébergea à Copenhague,
m’a jetée dehors dès l’emprisonnement de Céline.
    Evelyne Pollet, jeune écrivain belge qui a raconté son
histoire avec Louis dans son roman l’Escalier, ne pouvait pas me
supporter.
    « Toutes les femmes seront jalouses de toi », me
disait Louis.
    Arletty aussi se méfiait de moi. Elle était plus fine et
perverse que les autres et le cachait davantage. Après la mort de Louis, je
l’ai beaucoup fréquentée. Elle m’appelait « son petit Vermeer »,
m’embrassait les mains et disait m’adorer.
    Je me souviens d’un dîner où elle n’avait pas voulu se
rendre. Elle m’avait chargée de demander de sa part des nouvelles de la
maîtresse de maison. J’ai eu la naïveté de le faire. Celle-ci s’était suicidée
l’année précédente, sans doute à cause d’elle.
    Avec Lili Dubuffet, je suis aussi beaucoup sortie. C’était
une petite femme piquante, très rigolote, avec qui je m’entendais bien. Elle
n’aimait pas jouir mais gâcher. L’argent ne l’intéressait pas, elle entassait
les fourrures et autres objets de luxe, sans jamais rien donner. Elle formait
avec son mari un vrai couple fidèle et sensuel à la fois. Dubuffet l’avait
connue comme modèle en 1945 et, tous deux mariés chacun de leur côté, avaient
une fille et avaient tout quitté l’un pour l’autre.
    Devant
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