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Céline secret

Céline secret

Titel: Céline secret
Autoren: Véronique Robert
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main gauche, on prenait ça pour du
mépris. Jamais Louis ne se serait abaissé à fournir une explication.
    Quand il a su ce qui s’était réellement passé dans les camps
de concentration, il a été horrifié, mais jamais il n’a pu dire :
« Je regrette. » On ne lui a jamais pardonné de ne pas avoir reconnu
ses torts. Il n’a jamais dit : « Je me suis trompé. » Il a
toujours affirmé avoir écrit ses pamphlets en 1938 et 1939 dans un but
pacifique, et rien de plus. Pour lui, les juifs poussaient à la guerre et il
voulait l’éviter. C’est tout.
    Aujourd’hui ma position sur les trois pamphlets de
Céline : Bagatelles pour un massacre, l’Ecole des cadavres et les Beaux Draps, demeure très ferme.
    J’ai interdit leur réédition et, sans relâche, intenté des
procès à tous ceux qui, pour des raisons plus ou moins avouables, les ont
clandestinement fait paraître, en France comme à l’étranger.
    Ces pamphlets ont existé dans un certain contexte
historique, à une époque particulière, et ne nous ont apporté à Louis et à moi
que du malheur. Ils n’ont de nos jours plus de raison d’être.
    Encore maintenant, de par justement leur qualité littéraire,
ils peuvent, auprès de certains esprits, détenir un pouvoir maléfique que j’ai,
à tout prix, voulu éviter.
    J’ai conscience à long terme de mon impuissance et je sais
que, tôt ou tard, ils vont resurgir en toute légalité, mais je ne serai plus là
et ça ne dépendra plus de ma volonté.
    Pendant les dix ans qui lui restaient à vivre, Louis
demeurait à m’attendre quand j’allais à Paris, il vérifiait tout ce que je
faisais et achetais. Il adorait que je lui raconte mes conversations avec les
chauffeurs de taxi. Pour lui, la vie était là. De la même façon, quand il
venait à Rennes, il aimait avoir des nouvelles du pays par Maria Le Bannier, la
maîtresse de son beau-père Follet, qui était une cancanière de premier ordre.
Elle allait partout, au fond des choses et aussi dans les interstices. On
venait souvent à Saint-Malo avant la guerre et on y a d’abord loué une première
chambre à Maria Le Bannier et, plus tard, une autre en haut sous les toits.
    A Montmartre aussi, Céline se nourrissait de ragots, c’était
pour lui l’expression de la vie en marche.
    A Londres, dans les années 20, il avait vécu dans le milieu
de la pègre et il aimait se souvenir et me raconter, comme dans un vrai roman
noir, les histoires incroyables de son passé.
    Celle-ci particulièrement : il avait à l’époque un
copain qui travaillait au service des passeports et dont le vice était de se
faire insulter par ses maîtresses. Un jour, son fils revient du front en
permission et en grand uniforme. Dans un restaurant, au sous-sol, ils s’en vont
dîner tous les quatre : le père, le fils, la maîtresse et Louis. La
maîtresse en plein milieu du repas se met à insulter le père et s’en va en
montant un grand escalier au milieu de la pièce. Le fils se lève alors, sort un
poignard, la tue, tandis que le père et Louis la voient dégringoler l’escalier,
baignant dans son sang, comme au cinéma. Le copain a maquillé l’affaire et
renvoyé son fils au front.
    C’est à la même époque que Céline, sur un coup de tête,
avait épousé en Angleterre une prostituée, Suzanne Nebout, qui a inspiré en
partie avec Elisabeth Craig le personnage de Molly dans le Voyage au bout de
la nuit. Le mariage avait pu être annulé car Louis était mineur, mais il
voulait déjà vivre une vie aussi forte qu’un roman.
    Les plus belles fleurs poussent sur du fumier et c’est lui
seul qui nous aide à créer.
    De la même façon, je pense qu’il faut aller très bas dans
l’horreur pour être capable de monter aussi très haut.

 
CHAPITRE X.
     
    À PARIS DANS LE BATEAU-BUS. DERNIERS MOMENTS ET DERNIÈRES
AMITIÉS.

 
    Et si Paris prenait pour un jour la couleur de Venise, si
nous ne circulions plus qu’en bateau, à bord d’un temps suspendu ?
Réaliser un rêve fou, l’espace d’un instant, ignorer la terre à jamais, glisser
furtivement le long d’un fleuve, évoluer entre liquide et vapeur, se prendre
pour un poisson et se parfumer de silence. A la tour Eiffel, nous montons dans
un bateau-bus.
    Seules sur le pont, nous remontons jusqu’à l’île
Saint-Louis pour revenir à notre point de départ : une boucle de ciel et
d’eau.

 
    A Meudon, Louis travaillait. Il travaillait la nuit. Je
pense que, tout comme
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