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Céline secret

Céline secret

Titel: Céline secret
Autoren: Véronique Robert
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des gens que le temps réalise.
    Le héros retrouve bien des années après, lors d’une soirée
chez la princesse de Guermantes, les personnages qui ont peuplé sa jeunesse et
il hésite à les reconnaître. Tout d’abord, il les croit grimés, puis les prend
pour les pères ou mères des souvenirs qu’il en a gardés. Cette description
minutieuse et impitoyable des visages et des corps à travers les changements de
l’âge est d’une cruauté insupportable.
    Je pense aussi au tableau de Rembrandt les Trois Ages que nous avions vu à La Haye en 1938, et qui fascinait Céline. Là encore, le
temps qui s’en va et nous déforme.
    En vieillissant, on fait peur aux tout jeunes. Eux voient
bien la décrépitude. Ils nous prennent pour des sorcières.
    Mon grand regret est de ne pas avoir eu d’enfants.
Aujourd’hui je ne serais pas toute seule et même sans les voir, je saurais
qu’ils existent. Mais là, il n’y a personne.
    Je pense que de la même façon que les femmes qui n’ont pas
été mères, les homosexuels ont quelque chose qui les éloigne de la vie.
    Louis était contre l’avortement car il adorait les enfants.
Enceinte, j’aurais gardé mon bébé, mais comment vouloir en avoir un quand on a
été traqué toute sa vie et que, sans cesse, on a eu peur de mourir.
    Quand Céline a eu sa fille Colette avec Edith Follet, son
mariage est devenu sacré. Il n’aurait jamais divorcé sans son beau-père, le
professeur Follet, qui, profitant de son départ à la SDN, a poussé Edith à le
faire.
    Louis m’avait dit : « Je n’aurais jamais dû avoir
de descendance. » C’est vrai, il était hors norme.
    Edith s’est remariée l’année qui a suivi son divorce avec un
colonel et a eu un fils. Je ne sais pas si Céline l’a su car il ne m’en a
jamais parlé. C’est ce fils-là qui, récemment, m’a appelée pour m’annoncer la
mort de sa mère : « Vous deviez dîner avec elle ce soir, elle ne
viendra pas car elle est morte. » C’est tout.
    Le jour de l’enterrement de Louis, sa fille Colette est
devenue folle, ma mère s’était installée à la cuisine et se faisait servir un
repas fin, les gens entraient, sortaient, regardaient. Moi j’étais là comme une
somnambule. Marcel Aymé voulait s’inspirer de toutes ces scènes pour raconter
une histoire. Il n’en a pas eu le temps.
    Par la suite Colette s’est prise pour moi, elle jouait des
castagnettes et on l’a enfermée un moment à Sainte-Anne. Arletty aussi, à la
fin de sa vie, me faisait lui raconter tout ce que Louis me disait et le
rapportait comme s’il lui avait dit à elle directement.
    C’est très étrange à ressentir, cette impression de
quelqu’un qui, à la manière d’un bernard-l’ermite, vient s’installer à
l’intérieur de vous, veut vous posséder comme pour voler votre esprit.
    Un écrivain est un navigateur qui doit se battre contre les
éléments, avoir une vie intéressante et mouvementée. C’est un créateur qui creuse
pour trouver un trésor qu’il a en lui ; il n’y est pour rien mais, toute
sa vie, il va approfondir. Céline était avant tout un artisan. Il construisait
un bateau capable de voguer, puis c’était fini ; il n’était plus touché
par ce qu’on pouvait en faire, en dire. Par contre, au moment de la
fabrication, au sujet de l’écriture, il était pointilleux à l’extrême pour une
virgule, des points de suspension.
    Les émissions littéraires représentaient tout ce qu’il
détestait. Il trouvait tout le monde ridicule : « Je te fais une
fleur, tu me fais une fleur. Je te lèche, tu me lèches. »
    A Meudon, les dernières années ont été terribles. La prison
l’avait rendu fou. Désormais il avait la haine. Il pensait avoir payé pour les
autres et il s’est senti persécuté. Il l’était réellement aussi d’une certaine
manière.
    Quand les journalistes ont commencé à prendre le chemin de
Meudon pour visiter le monstre, il en a rajouté, il leur en donnait pour leur
argent. Il jouait un rôle, faisait de lui-même sa propre caricature. On le
croyait et il jubilait. Comme dans l’Antiquité romaine, dans la fosse aux
lions, c’est du sang qu’on venait chercher. Alors il en donnait.
    Son bras droit le faisait toujours souffrir, il était resté
infirme après sa blessure durant la Grande Guerre et écrivait difficilement, en
balayant le papier. Parfois il hésitait à saluer les inconnus avec sa main
droite et souvent, lorsqu’il tendait la
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