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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
Autoren: Michèle Cotta
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fébrilité qui semble ici et là s'emparer du nouveau pouvoir : une fois de plus, ce sera la guerre dans l'audiovisuel. Déjà, à l'Assemblée nationale, on se chamaille dans les couloirs, on demande que, selon la formule désormais célèbre, « des têtes tombent », et on proteste parce qu'elles ne tombent pas assez vite. Léotard verse de l'huile sur le feu en parlant à la moindre occasion des centaines, pourquoi pas des milliers de journalistes déplacés en 1981 ! Ce qui sous-entend que la même chose va devoir se passer aujourd'hui.
    Laurence Soudet, restée à l'Élysée et sans doute beaucoup plus politique que moi, me glisse à l'oreille : « C'est normal qu'ils veuillent changer les gens. D'ailleurs, ce que détesterait le plus Mitterrand, c'est que ceux qui ont travaillé avec lui continuent à travailler avec Jacques Chirac et les siens. »
    Lorsque Chirac sort de table, il fait dans ma direction un signe appuyé comme pour signifier publiquement une complicité que nous n'avons plus. Il suffit de ce regard, sans doute, pour qu'une partie – la plus à gauche – des convives du dîner de ce soir pense que je suis en train de « dealer » je ne sais quel poste honorifique avec Chirac !
    Je vis dans un monde merveilleux : Dallas !

    21 avril
    Hier, au dîner, Catherine Rousselet-Tiek me raconte la façon dont, l'été précédent, Mitterrand, en visite chez eux, s'est montré excédé contre André Rousselet et moi. Simultanément, mais pas pour les mêmes raisons : contre Rousselet qui se battait pour Canal + et s'opposait donc à la création de la cinquième chaîne Seydoux-Berlusconi ; contre moi qui barrait ses candidats. Avec, pour nous deux, des phrases du même genre : « Tout de même, disait-il à Rousselet, cette chaîne, c'est moi qui vous l'ai donnée ! » Et parlant de moi, il prenait Rousselet à témoin : « C'est nous qui l'avons mise là où elle est ! »
    Ce dont je ne disconviens pas.
    « Pour lui plaire, dit l'une de mes voisines de table, il faut être atteinte d'un cancer et à l'hôpital ! »
    On ne peut tout de même pas reprocher cela à Mitterrand : il est vrai qu'il appelle chaque jour et rend chaque jour visite à ses amis malades. C'est ce qu'il a fait avec Jean Riboud, il n'y a pas si longtemps, l'accompagnant ainsi jusqu'à la mort.
    Ma voisine ajoute : « Tu lui demanderais un poste en pleurant qu'il t'en trouverait un dans les huit jours ! »

    2 mai
    Chirac m'a convoquée à Matignon. J'arrive dans son bureau où il m'attend, visage reposé, flamme vivante dans le regard.
    Sur l'audiovisuel, hélas, son analyse ne va pas très loin : il faut changer Bourges, TF1 se conduit très mal, Pierre-Luc Séguillon et Alain Denvers sont épouvantables avec lui.
    J'essaie de lui dire, ce que j'ai tant de fois répété depuis quatre ans, que les journalistes ne sont plus la voix de la France, expression qui a été employée par Pompidou il y a plus de dix ans.
    « Penses-tu, me rétorque-t-il, il suffit d'un homme à poigne ! »
    La vie est un éternel recommencement. Chirac a eu exactement la même formule que celui qui l'a précédé à ce poste. Il bouleverse la loi, change la Haute Autorité pour changer les présidents, à commencer, me dit-il, par ceux de RFI, de RFO et, bien sûr, de TF1. En revanche, je sens bien qu'il ne s'est pas fait une opinion définitive sur la privatisation d'Antenne 2.
    Autour de lui, tout le monde en parle ; le ministre de la Communication, François Léotard, doit déjà avoir dans ses cartons les documents juridiques nécessaires. Pourtant, Chirac a sans doute entendu son directeur de cabinet, Maurice Ulrich, plaider pour le maintien d'Antenne 2 dans le service public. Mais alors, me demande-t-il en substance, quelle chaîne retenir pour la privatisation ?
    Je commence par lui dire que la Haute Autorité s'est toujours, dans tous ses textes, prononcée pour la suppression du monopole de diffusion, et pour l'existence, à côté du service public, d'un secteur privé de télévision. Créer de nouvelles chaînes est une chose, mais en privatiser une, cela ne s'est jamais fait ailleurs, ni en Europe ni aux États-Unis.
    Peu lui chaut. Il est pressé et veut aller vite, sans doute poussé par Léotard. Je lui fais valoir que TF1, en tête dans les audiences et dont les programmes sont volontiers populaires, quoique, selon Hervé Bourges, « de qualité », qui bénéficie en outre du plus important
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