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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
Autoren: Michèle Cotta
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budget de publicité du service public, serait sûrement plus facile à privatiser qu'Antenne 2.
    Il appelle Ulrich : « Michèle Cotta est de votre avis, lui dit-il.
    – Cela ne m'étonne pas », répond celui-ci, courtois quoiqu'un peu surpris que Chirac ait éprouvé le besoin de solliciter mon avis. Je ne suis pas sûre que cela ait servi à quelque chose.
    Quoi qu'il en soit, Chirac change de sujet et aborde le problème de la Cinq. Il annulera le précédent appel d'offres et en lancera un autre ! Pas plus compliqué que ça !
    Sur le sort de la Haute Autorité en général et le mien en particulier, il me prodigue de bonnes paroles : indemnités pour ceux d'entre nous qui ne sont pas fonctionnaires – ce n'est pas dans la loi, cela ne vaudra donc pas pour nous et je le lui fais remarquer. Quant à moi, je n'ai pas de souci à me faire : Maurice Ulrich me trouvera quelque chose au Conseil d'État ou à la Cour des comptes. Je remercie poliment, ne dis pas que je préférerais un an de prison au Conseil d'État ou à la Cour des comptes, mais lui fais comprendre que mon métier est le journalisme et que j'entends bien y revenir.
    Cette idée-là le stupéfie : il me parle des grands corps de l'État auxquels il a appartenu quand il était jeune et dont il est sorti à la vitesse grand V, tant il s'y ennuyait, et je préfère scribouiller quelque part ? Il n'en revient pas et me dit, comme Gabriel de Broglie, qu'une ancienne présidente d'une institution de la République ne peut pas faire les flashes de nuit dans une station de radio.
    On verra. Il est égal à lui-même, plein de promesses qu'il sait ne pouvoir tenir. On ne peut pas me faire « gicler » plus gentiment ! Ce qui n'enlève rien à la chose...
    Après cet échange, nous parlons politique sans difficulté.
    « Mitterrand, me dit-il, a toutes les chances de monter dans les sondages, et moi, à Matignon, toutes les chances de descendre. D'ailleurs, toutes les fois que je me tais je gagne des points ; toutes les fois que je parle, je dégringole ! Donc, dans deux ans, il se peut très bien que François Mitterrand soit le meilleur candidat de la gauche et de la droite ! »
    Et les militants socialistes, quelle va être leur réaction si François Mitterrand n'est plus le président des socialistes, mais celui de la cohabitation ?
    « Ça, me dit-il, ce sont des raisonnements de militants. Crois-moi, les Français sont contents de la cohabitation. Et crois-moi aussi, le silence profitera à Mitterrand. »
    Plus tard dans la conversation, il ajoute : « Mitterrand avait quatre pouvoirs. Il en a perdu trois. Le premier était le pouvoir de nommer le Premier ministre, il l'a perdu en me nommant. Maintenant, il ne peut plus en changer. Le deuxième était le référendum : il ne peut procéder à un référendum que sur proposition du Premier ministre, et moi, je n'ai pas envie de faire un référendum ! Le troisième est la dissolution : à ceci près que lorsque le mode de scrutin sera redevenu majoritaire, il lui faudra beaucoup de temps pour espérer gagner les élections. Dans l'immédiat, il n'a aucun espoir de victoire.
    « Reste la démission, mais c'est une arme à un coup, il ne pourra s'en servir deux fois et donc réfléchira beaucoup avant de l'utiliser.
    « Il adore les voyages, ajoute-t-il avec désinvolture. Je ne le savais pas. Eh bien, il en aura, des voyages ! Avec lui, je respecterai toujours les formes. Sur le fond, je n'ai rien à lui demander, ni rien à en attendre. »
    Je lui pose une question d'une brûlante actualité : que se serait-il passé, par exemple, si Chirac avait été en désaccord avec François Mitterrand lorsque celui-ci s'est opposé au survol du territoire français par les avions américains 3  ?
    « J'aurais imposé mon point de vue ! », répond-il sans hésiter.
    Sur ce point, j'affiche mon scepticisme. Comment aurait-il été en mesure de le faire ? Il ne me dit pas comment il aurait fait, mais ajoute aussitôt : « De toute façon, sur ce point précis, c'est moi qui étais le plus hostile au survol. Avec un autre Premier ministre, il aurait peut-être hésité ! »

    12 mai
    Comme pour parachever, tragiquement, la fin de l'« expérience socialiste », Gaston Defferre est mort tout seul, dans la nuit du 7 au 8 mai, à son domicile, après une explication publique, et humiliante certainement pour lui, avec Michel Pezet au sein de la Fédération socialiste des
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