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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
Autoren: Michèle Cotta
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au-delà des sourires, des sous-entendus, des bonnes paroles, ce qui fait courir le monde politique, c'est le pouvoir. Le pouvoir uniquement. La rage de le conquérir quand on ne l'a pas, la peur de le perdre lorsqu'on l'a.
    Ce deuxième tome commence immédiatement après la rupture de 1977 entre communistes et socialistes. Giscard est président de la République, Chirac a quitté le gouvernement un an auparavant, Raymond Barre l'a remplacé à Matignon. Tous les acteurs sont en place. Le spectacle commence...

1977

    29 septembre
    Chirac déserte pour quelques heures les journées parlementaires RPR qui ont lieu cet automne à Menton, pour assister à l'enterrement de Lucie Faure. Il m'invite à prendre la Caravelle qui le ramène à Paris. Dans l'avion, nous parlons à peine de Lucie Faure qui règne sur la vie politique parisienne depuis plusieurs décennies. Je ne sais pas comment elle a fait, mais, depuis la IV e  République, et bien qu'Edgar ait exercé maintes fois des fonctions ministérielles, elle a conservé une existence propre, indépendante de son mari : directrice d'une revue, La Nef 1 , où écrivent ou ont écrit de nombreux intellectuels et journalistes de gauche – Hector de Galard, Gilles Martinet, Claude Bourdet –, elle est surtout l'amie intime depuis des années de Roger Stéphane. Par son intermédiaire, Edgar est resté proche de France-Observateur , puis du Nouvel Observateur . Je crois que, sans le connaître très bien, parce qu'il est beaucoup plus jeune qu'elle, Lucie aimait bien Chirac. Ou plutôt qu'elle se réjouissait de retrouver chez lui les qualités de l'animal politique qu'elle aurait souhaité que fût son mari et que Chirac est, au fil des années, devenu.
    Depuis quelques mois, la maladie, dont elle ne parlait jamais, avait pris une grande place dans sa vie ; Roger Stéphane n'a pas cessé de la visiter, mais il était l'un des seuls : elle ne souhaitait pas qu'on la vît diminuée et soignait chacune de ses rares apparitions mondaines.
    Dans l'avion, Chirac a quelques phrases gentilles sur elle, puis le naturel reprend le dessus. Nous parlons évidemment de la rupture encore toute fraîche entre socialistes et communistes.
    Il fait semblant d'être serein et confiant, et peut-être d'ailleurs l'est-il réellement, me disant que, de toute façon, socialistes et communistes feront campagne sur le programme commun, et que donc, selon la formule désormais célèbre, c'est blanc bonnet et bonnet blanc. Le seul risque pour lui aurait été que Mitterrand tombât dans les bras de Giscard après avoir pris acte du divorce. Il ne croit pas un seul instant à cette éventualité, « quelle que soit, me dit-il, l'envie du Président.
    – Les conseillers du Président, plutôt, lui dis-je, car il me semble que le Président, lui, reste prudent et observe la situation sans faire le moindre geste de séduction vers le Parti socialiste. »
    Il en convient :
    « Oui, disons que, pour une fois, et après avoir dit sur le sujet beaucoup de bêtises, le Président est prudent. »
    Il ajoute quelques mots peu aimables sur Mitterrand, du genre : « Il se prend pour l'émanation des masses laborieuses. Personne ne l'en fera démordre, même s'il est en réalité un bourgeois. »
    Aucune chance, à ses yeux, que Mitterrand change de cap aujourd'hui. Aucune inquiétude, donc, chez Chirac.

    Fin septembre
    Lettre de Michel Debré, très inquiet de la situation économique : « Nous ne savons pas, m'écrit-il, ou nous ne voulons pas savoir que nous sommes en guerre, car la guerre économique est une guerre. Les communiqués sur l'indice des prix me font souvenir des communiqués que l'on diffusait à la radio en 1939 à propos des petits raids de patrouille en avant de la ligne Maginot. Et, pendant ce temps-là, s'écroulaient la Pologne, les États baltes, se préparaient les plus grands chambardements et les plus grands drames de l'Histoire. La compétition des puissances ne se fait pas seulement sur les champs de bataille ni à coups de bombes. »

    30 septembre
    Dîner chez André Chambraud 2 où nous rencontrons – pour la première fois, en ce qui me concerne – le communiste Jean Elleinstein. Il a beau être agrégé d'histoire, critiquer avec aisance les dirigeants de son mouvement et habiter les beaux quartiers – boulevard du Montparnasse, entre le Dôme et la Coupole –, il a l'élocution lente et, sur le fond, la conviction des hiérarques
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