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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
Autoren: Michèle Cotta
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avant 1968 !
    Aujourd'hui il a vieilli, mais n'a pas été atteint par le doute. Tout au plus me semble-t-il plus éloigné de Roland Leroy, donc de la direction du Parti communiste, qu'il l'était à l'époque.
    Nous revenons ensemble sur les événements de septembre dernier. Il prend au préalable la précaution de préciser qu'il parle « à titre personnel » et qu'il n'a pas de « vision globale » sur ce qui est en train de se passer.
    « La seule chose à laquelle je crois, me dit-il, c'est au changement socialiste. Même si tous les dirigeants socialistes, je l'accorde volontiers, n'en sont pas conscients. Je ne dirais pas qu'ils ont renoncé à la stratégie de l'union, mais l'objectif fondamental de François Mitterrand, celui qu'il affiche en permanence depuis plusieurs mois, sinon plusieurs années, a été acquis : il voulait le rééquilibrage de la gauche, il y est parvenu. Dès lors, la direction du PS s'efforce de réduire la portée transformatrice du Programme commun. Il s'oriente vers les modèles portugais ou allemand. »
    Tels sont les termes exacts qu'il emploie et que je note au fur et à mesure avec hâte, tant il me semble que les communistes ont un vocabulaire à eux, des mots à eux, des façons de s'exprimer particulières, même lorsqu'ils sont agrégés d'histoire ou qu'ils sortent de l'École normale supérieure !
    À cette analyse connue sur la tentation allemande ou portugaise, il ajoute tout de même une autre dimension : celle de la crise économique, qui, selon lui, s'annonce. « Face à cette crise, ce ne sont pas avec les procédés classiques à la Mitterrand qu'on s'en sortira. La solution passe par une profonde mutation économique et sociale qui va bien au-delà du programme commun. Cela implique une formule beaucoup plus draconienne : davantage de nationalisations, un éventail des salaires plus resserré, une panoplie nouvelle de mesures nécessaires. »
    Cela ne l'empêche pas de trouver que le Parti communiste a perdu depuis 1971 une occasion historique de s'ouvrir, de se rénover : « Au lendemain d'Épinay, en 1971, je le répète, nous étions dans une gauche vierge, sur un terrain à conquérir : cela impliquait la mutation du Parti, son ouverture sur des couches non prolétariennes. Il fallait rejeter les dogmes, faire passer de l'air, changer profondément nos structures, en finir avec le centralisme démocratique, autoriser l'expression de points de vue divergents, multiplier les tribunes de libre discussion. J'ai dit tout cela, à l'époque. J'ai même parlé de régression après 1968, en soulignant notre perte d'influence sur les jeunes universitaires, sur les classes moyennes.
    – Et qu'est-ce qu'a répondu la direction du Parti ?
    – La direction m'a répliqué que j'étais pessimiste, que la classe ouvrière était aux anges, après la signature du Programme commun. Tout cela pour en arriver là ! »
    Il me décrit Georges Marchais – qu'il ne porte pas dans son cœur – comme obsédé par le résultat électoral prévisible en mars 1978 ; il me parle d'un Roland Leroy « isolé et prisonnier » d'une direction qui ne prend son parti de rien et flotte au gré du vent : « J'ai l'impression, insiste-t-il, que si Georges Marchais n'obtient pas de concessions du Parti socialiste, c'est une catastrophe pour lui. J'ai le sentiment qu'il s'est fait piéger, qu'il a voulu faire fléchir le PS pour arranger son image personnelle dans le Parti communiste, qu'il voulait améliorer le score du PC aux élections législatives. Il a perdu sur tous les tableaux. Il n'a su faire ni la mutation du Parti, ni sa rénovation, pas plus qu'il n'a réussi l'union de la gauche. »
    Il conclut par un sombre pronostic : « Je pense que, dans les années qui viennent, le Parti communiste tombera à 15 %. »
    Tout cela l'a-t-il au moins rapproché du PS ? Pas le moins du monde, me répond-il : « Ses dirigeants font la démonstration de leur inefficacité dans la gestion municipale ; eux aussi ont leur centralisme démocratique, leur phénomène bureaucratique, eux aussi font preuve de carriérisme. Non, franchement, ils ne me tentent pas ! »

    5-6 octobre
    Pour une fois, place du Colonel-Fabien, la séance du comité central (CC) s'achève à midi et demi. Les membres du comité central ont mis fin à leurs délibérations assez tôt pour avoir le temps, avant de repartir pour la province, de prendre ensemble un solide déjeuner au
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