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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
Autoren: Michèle Cotta
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que vous voulez, lui dit-il. Ou vous refusez la proposition de Georges Pompidou, et, dans ce cas, je veux bien lui expliquer pourquoi. Ou vous acceptez, et vous, vous vous expliquez avec Foyer. Je ne le ferai pas à votre place ! »
    Il n'a pratiquement pas revu Marie-France en tête à tête depuis cette date.
    « Assez rapidement, par la suite, se souvient-il, elle n'a plus eu d'autre idée que d'éliminer ceux qui pouvaient porter ombrage à Pompidou. »
    La rupture entre communistes et socialistes ? Debré pense qu'elle était inscrite dans un double mouvement : celui de la diplomatie soviétique, dont il continue de penser qu'elle est déterminante dans la cassure du PC ; et, au moins autant, si pas davantage, dans l'évolution du socialisme européen, qui partout envisage de parvenir seul au pouvoir. Ce qui le dérangeait, c'était le mariage entre communistes et socialistes ; ce n'est pas la rupture, à laquelle il s'attendait.

    2 octobre
    L'inouï, c'est que, pendant que les états-majors n'en finissent pas de ressasser les causes de l'échec, à la base, comme on dit, les militants continuent de croire à la « dynamique de l'union », comme ils l'appellent. Les correspondants du Point en province m'envoient sur ce sujet des tonnes d'informations : « Pas possible qu'il n'y ait pas d'accord, dit un chômeur CGT de Villeurbanne, car sans accord, pas d'issue ! »
    Même lorsque leaders socialistes et communistes se livrent devant eux à une surenchère politique, les militants ne veulent pas comprendre : à Nantes, par exemple, où le maire socialiste, André Chenard, rend visite sur le coup de 7 heures du matin aux 2 500 ouvriers des chantiers navals, et s'entend dire que le communiste Claude Poperen l'a précédé ; à Toulouse, à la porte d'une agence de produits chimiques, Claude Llabres, membre du comité central du PC et vice-président du conseil général de Haute-Garonne, distribue des tracts aux camarades, tandis qu'à deux pas de lui, me raconte-t-on, des socialistes, moins nombreux, haranguent également leurs troupes, moins denses. Dans les deux cas, les ouvriers, décontenancés, passent d'un groupe à l'autre, d'un leader à l'autre, d'un tract à l'autre, comme s'ils ne voulaient pas prendre acte de la rupture. Ou, plus exactement, comme s'ils voulaient mettre en garde leurs leaders.
    Citations recueillies par les informateurs du Point dans la France entière. Un ouvrier métallurgiste de Renault : « Moi, pendant cinq ans, j'y ai cru, au Programme commun. S'ils ne se remettent pas d'accord, je n'irai pas voter, voilà tout. » Un dirigeant confédéral de la CFDT : « Depuis quelques jours, le standard de la Confédération est bloqué. Les militants téléphonent de tous les coins pour dire leur désarroi et demander ce qu'ils doivent faire. » Un jeune communiste de Villeurbanne : « Avoir collé des affiches pendant tant d'années, avoir distribué des tracts, crié dans les manifs à se briser la voix, tout cela pour en arriver là ! Je ne peux pas y croire, pas possible qu'ils ne s'entendent pas ! » Un ajusteur de la SNIAS : « Que la rupture soit le fait de François Mitterrand ou de Georges Marchais, peu importe. Chez nous, lorsqu'on allait revendiquer quelque chose auprès du patron et qu'il le refusait, évidemment nous nous disions : en 1978, unis, on lui fera sa fête ! Maintenant, c'est moins sûr, voilà tout ! »
    La lecture des notes que nos enquêteurs envoient d'une ville à l'autre est sidérante. Je n'en consigne ici ce soir que quelques lignes.
    Pour nous, pour moi, pour le petit monde de la politique, pour Marchais et Mitterrand peut-être, ces textes, ces motions, ces paragraphes raturés, ces débats n'avaient pas de réalité matérielle. Pour tous ceux qui, aujourd'hui, clament leur incompréhension ou font mine de ne pas croire à la rupture, c'est un véritable déchirement.
    Pitoyable !

    Le plus intéressant est que, pendant ce temps-là – je n'ai pas couvert l'audience, j'étais à Menton avec les députés RPR –, le 29 septembre, Georges Marchais était à la barre, devant les juges de la 12 e  chambre correctionnelle du tribunal de Paris ; il a voulu apporter aux magistrats sa propre version dans le procès qui l'oppose pour faux et usage de faux à Auguste Lecœur et à l'hebdomadaire Minute . À l'origine du procès, la publication en mars 1973 d'un document tendant à démontrer que Georges Marchais avait
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