Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard
Autoren: Sackville-West
Vom Netzwerk:
connaissaient avec exactitude les faits, les dates, et toutes les histoires de leur vie. Lucie se laissa tomber sur le divan.
    — Oh ! ces gens ! chérie, quelle joie de s’arracher à eux ! Je vous assure que la vieille Octavia Hull devient impossible. Avez-vous vu comment elle bavait en prenant son thé ? On devrait la mettre au rancart… Sébastien… Dix-neuf ans ! Oui… C’est incroyable. Pensez que vous pourriez être sa mère.
    — Ou sa belle-mère, songea lady Roehampton.
    Ce n’était pas la première fois qu’elle y songeait. Elle n’en dit rien, non plus que de cette autre pensée : « ou sa maîtresse », qui lui était venue à l’esprit aujourd’hui pour la première fois. Au lieu de cela, elle dit :
    — À propos de Romola Cheyne, n’était-elle pas ici la semaine dernière ?
    Lucie sentit qu’on allait lui dévoiler quelque secret. Lorsqu’elle vit lady Roehampton s’approcher de l’écritoire, elle comprit immédiatement.
    — C’est monstrueux ! cria-t-elle, indignée. Combien de fois ai-je répété au valet de changer les buvards pour éviter de pareilles choses ? Je vais le chasser dès demain. Alors, qu’est-ce qu’elle raconte ? Cela vous glace d’imaginer dans quelles mains certaines lettres peuvent tomber ! C’est sans doute une lettre à…
    Et elle prononça un nom illustre.
    — Non, dit lady Roehampton, justement, ce n’est pas à lui. Regardez.
    Lucie la rejoignit près du miroir et toutes deux se mirent à déchiffrer les paroles imprudentes de Romola Cheyne.
    — Ah ! dit Lucie, je m’en suis toujours doutée, et je suis contente d’en être sûre. Mais ce que je ne puis comprendre, c’est comment une femme comme Romola a pu laisser traîner pareille lettre !… Elle sait pourtant bien que cette maison est toujours pleine d’amis, ajouta-t-elle, avec une inconsciente ironie.
    — Maintenant, que faire ?… La négligence de certaines gens !…
    Les deux femmes étaient ravies. Ce genre de petits incidents étaient le piment de leur existence.
    Lady Roehampton retira soigneusement la feuille révélatrice.
    — Comme il n’y a pas de feu, dit-elle en plaisantant, je vais l’enfermer provisoirement dans mon écritoire. Je trouverai bien le moyen de la détruire demain.
    Lucie l’approuva en riant, car elle savait bien que lady Roehampton n’avait nulle intention de détruire la lettre. Elle ne s’en servirait peut-être jamais, mais ce papier pouvait lui être utile.
    — En attendant, demanda Lucie, êtes-vous sûre que votre femme de chambre n’a pas vos clefs ? Les domestiques ont si peu de scrupules !… Impossible de s’y fier. Ils ont beau avoir été longtemps à notre service et faire figure de vieux amis, on ne sait jamais à quel moment ils nous trahiront. Croyez-vous que vous ne feriez pas mieux de me la donner ?
    Lucie n’attendait point de réponse et lady Roehampton ne lui en fit pas. C’était dans ses habitudes. Elle avait l’art de laisser tomber tout à coup la conversation ; ce système lui avait souvent réussi, car, avec l’assurance d’une jolie femme, elle trouvait toujours moyen d’imposer ses volontés à ceux qui l’écoutaient. Aussi, maintenant, avait-elle abandonné le sujet de la lettre et revenait-elle à Sébastien, qui avait éveillé sa curiosité :
    — Parlez-moi de votre sombre et romantique garçon, Lucie. Quand quitte-t-il Oxford ? Va-t-il entrer dans les Gardes ?
    Lucie ne se refusait jamais à parler de Sébastien ; en outre, lady Roehampton n’avait pas de fils, seulement une fille, de qui on disait qu’elle était jalouse.
    — Mon sombre et romantique garçon, Sylvia ! Mais que vous êtes ridicule ! Ce n’est qu’un jeune étourdi, un blanc-bec ! J’espère qu’il ne se gâtera pas si des femmes comme vous commencent à s’occuper de lui… Enfin, c’est un gentil garçon, je le reconnais, bien qu’il soit porté à la mélancolie.
    — Mais c’est là son charme, ma chère Lucie. Sébastien boudeur est irrésistible. Promettez-moi de ne pas l’encourager à la bonne humeur ; ce serait le perdre !
    — Que vous êtes perverse, Sylvia ! Vous aimez les gens rébarbatifs pour le seul plaisir de les conquérir. Vous voudriez que Sébastien montrât les dents pendant une demi-heure, si, au bout de quarante minutes, vous étiez sûre de l’avoir à vos pieds.
    — Vous êtes ridicule, Lucie ; j’ai connu Sébastien au berceau… Seulement, ne fermez
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher