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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard
Autoren: Sackville-West
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rappeler qu’il n’y en avait point. Il se retourna, déchira le petit rideau et frappa si fort contre la minuscule fenêtre arrière qu’il brisa la vitre. À travers les éclats de verre, il aperçut les quatre mollets desoie blanche des deux valets de pied. L’air s’engouffra dans le carrosse. Il cria aux quatre mollets :
    — Ouvrez la porte ! Ouvrez la porte !
    Croyant son maître malade, Wilfrid, affolé, dégringola de son siège et se précipita vers la porte, luttant avec les serrures récalcitrantes. Les voitures, devant eux, continuaient d’avancer, et un policeman, conscient de son devoir, mais désireux de s’attirer les bonnes grâces d’un jeune pair qui possédait un si magnifique carrosse, s’approcha pour voir pourquoi ils étaient arrêtés :
    — Montez, hurla Sébastien, sortant à demi de la portière et en gesticulant ; montez. Nous ne pouvons pas arrêter la circulation pendant des siècles. Laissez donc le marchepied, dit-il avec impatience aux valets qui le cherchaient à tâtons ; M. Anquetil pourra bien s’en passer !…
    Ainsi fit M. Anquetil. D’un bond, il sauta dans le carrosse ; Wilfrid claqua la porte et Sébastien continua sa route, Anquetil à ses côtés.
    * * *
    — Eh bien ! dit Anquetil en regardant son compagnon, vous êtes vraiment très beau, et quel joli joujou ! ajouta-t-il, montrant la couronne de Sébastien et la retournant dans ses mains fortes. Des feuilles de fraisier, de l’hermine, des boules.
    Il la posa sur le siège en face de lui.
    — Comme je suis heureux de vous voir, après ces longues années !…
    Cette phrase toute faite détendit enfin les nerfs de Sébastien. Il rit comme il n’avait jamais ri depuis la dernière fois qu’il avait joué avec Henry et Sarah.
    — Oh ! Léonard ! dit-il alors, posant sa main sur ses yeux et secouant désespérément la tête.
    Il ne pouvait rien dire. Il était envahi d’un bonheur inconcevable.
    — Oh ! Léonard, pourquoi m’avez-vous abandonné ? Qu’est-ce que vous avez fait ? Le Daily Mail a dit, un jour, que vous aviez disparu. Puis un petit paragraphe dans le Times a dit qu’on vous avait retrouvé. Que s’est-il passé pendant tout ce temps-là ?
    — Et vous ? dit Anquetil, qu’avez-vous fait ?
    — Rien, dit Sébastien, reprenant sa couronne, rien !
    Ses doigts suivirent le contour des feuilles de fraisier.
    — C’est une chose terrible, Léonard, que d’être né duc, une chose qui vous arrête. Toutes les possibilités vous sont interdites. Il vaut mieux, beaucoup mieux, être un fils de pêcheur… Mais je viens à l’instant de me résigner à mon sort.
    — Depuis quand ?
    — Depuis deux heures.
    — Pendant le couronnement, à Westminster Abbey ?
    — Pendant le couronnement, à Westminster Abbey, Léonard ! Aidez-moi à en sortir ! Sans vous, je suis perdu.
    — Mon pauvre Sébastien ! Écrasé sous le poids de ce beau manteau ? Perdu dans une forêt de traditions ?
    — Vous me comprenez. Vous ne pouvez vraiment savoir, mais vous comprenez. Vous comprenez les deux côtés de la question.
    — Nos trop rares conversations, remarqua soudain Anquetil, surgissent toujours dans des cas imprévus…
    — La dernière fois, nous étions assis sur le toit de Chevron !
    — Sébastien, dit Anquetil, prenez garde. Vous êtes en train de vous laisser tromper par un symbole.
    — Vraiment ? fit Sébastien, saisi d’étonnement. Mais le symbolisme ne s’appuie-t-il pas toujours sur une réalité ?
    — Oui, dit Anquetil, c’est là le danger du symbolisme.
    Le carrosse continuait de rouler.
    — Il faut que je vous avoue, dit Anquetil, que je vais épouser votre sœur.
    — Épouser Viola ?
    — Oui. Je suis arrivé ici hier ; je lui ai demandé de m’épouser hier soir.
    — Mais vous ne la connaissez pas.
    — Nous nous sommes écrit une fois par semaine pendant six ans.
    — Ah ! fit Sébastien, qui voyait clair tout à coup, cela explique beaucoup de choses.
    — Mais nous ne nous marierons pas avant trois ans. Je repars la semaine prochaine. Si ça vous plaît, vous pouvez venir avec moi. Je renouvelle l’invitation que je vous ai faite il y a six ans.
    — J’ai toujours cru, dit Sébastien, que, lorsque vous auriez fini de découvrir les sources de l’Amazone, vous entreriez dans la vie politique.
    — Pas encore. Je ne suis pas mûr pour cela.
    — Si vous ne l’êtes pas, alors, et moi ?
    — Vous, mûr ? Le
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