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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard
Autoren: Sackville-West
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depuis Sébastien jusqu’au plus humble, obtenait ce qu’il souhaitait ; vous n’aviez qu’à demander et votre désir était exaucé comme par enchantement. Le domaine avait toutes les ressources d’une petite ville ; le menuisier, le peintre, la forge, le moulin, les serres, étaient là pour donner à la minute tout ce qu’on réclamait d’eux. Aussi, le salon de l’intendant, de même que la salle à manger et la salle d’études ne manquaient jamais de fruits ni de friandises, surtout lorsque les femmes de chambre et les valets des invités étaient reçus par les divinités domestiques de Chevron, car il fallait faire la part du snobisme, et Vigeon ainsi que Mme Wickenden estimaient que l’honneur de Chevron ne pouvait être maintenu que par l’extravaganceet la prodigalité. Ils ne voulaient pas que miss Hull et M. Roehampton, rentrés chez eux le lundi matin, pussent raconter à leur prochain week-end que Chevron était tombé bien au-dessous de son rang.
    * * *
    Une heure avant le dîner, la mère de Sébastien frappa chez lady Roehampton. Elle ne se rappelait pas au juste quelle était la chambre de Sylvia, car cette question avait été réglée avec miss Wace au moins huit jours auparavant, mais elle savait qu’elle la trouverait dans une des meilleures ; en tout cas, le nom de chaque invité était soigneusement inscrit sur une carte glissée dans un petit cadre de cuivre. Ce problème de l’attribution des chambres était toujours une source d’inquiétude pour la duchesse comme pour toutes les maîtresses de maison. Il exigeait tant de tact, tant de discrétion ! Le don Juan professionnel serait furieux de se voir entouré de dames accompagnées de leur mari. (N’est-ce pas en pareille circonstance que Tommy Brand avait quitté certaine maison, un dimanche matin ?… Heureusement, songeait la duchesse, que cela n’était pas arrivé à Chevron !)
    Puis il fallait penser aux liaisons officielles ; la duchesse elle-même aurait été très froissée si, se rendant chez des amis où elle savait rencontrer Harry Tremaine, on avait mis celui-ci à l’autre bout du château. (Mais elle commençait à se détacher d’Harry Tremaine.) Être une bonne maîtresse de maison,c’était, précisément, veiller à tout ceci ; il fallait faciliter les choses sans en avoir l’air. Aussi, avec miss Wace, s’appliquait-elle à ce travail, se demandant parfois si cette vierge farouche avait été frappée par le retour de certaines coïncidences. Elle savait qu’elle pouvait compter sur « Wacey » pour exécuter ses ordres, ce qui ne l’empêchait pas, tout en cherchant l’appartement de lady Roehampton, de jeter un coup d’œil sur les noms des invités. Wacey avait bien fait les choses. Lord Robert Gore était dans la chambre rouge ; Mme Lewison, juste en face. C’était parfait. La chambre de l’Archevêque, la chambre de la Reine, la chambre des Tapisseries, la chambre du Nord, toutes portaient des noms qu’elle ne cherchait point. La chambre des Tapisseries : la duchesse de Hull ; la chambre de la Reine : S. E. l’ambassadeur d’Italie ; la chambre du Nord, – une modeste chambre, une chambre de célibataire : M. Léonard Anquetil. Elle réfléchit qu’Anquetil n’avait pas de domestique ; un valet de pied de Chevron le servirait.
    Anquetil était le lion du moment : explorateur, il avait été abandonné tout un hiver au pôle Sud, dans une hutte de neige, avec quatre compagnons, dont l’un était devenu fou ; mais, pour une raison quelconque, il était impossible de lui faire raconter ses aventures ; c’était dommage, car on avait parlé de lui dans tous les journaux. Enfin, les souffrances polaires étaient peut-être assommantes à entendre et, puisqu’il fallait absolument recevoir le lion, mieux valait qu’il ne rugît pas !
    Lucie trouva lady Roehampton dans la chambre chinoise.
    — Que je suis contente de vous voir seule quelques instants, Sylvia !
    La femme de chambre, bien stylée, se retira. La « beauté professionnelle », pareille à une rose épanouie, était enveloppée de satin gris bordé de cygne.
    — Comme vous êtes jolie, Sylvia ; je ne m’étonne pas que les gens montent sur les chaises pour vous regarder ! Je ne m’étonne pas que Romola Cheyne soit malade d’envie ! Vraiment, personne ne croirait que votre Marguerite a dix-huit ans.
    — Ni votre Sébastien, dix-neuf, chère Lucie.
    Elles étaient amies intimes et
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