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André Breton, quelques aspects de l’écrivain

André Breton, quelques aspects de l’écrivain

Titel: André Breton, quelques aspects de l’écrivain
Autoren: Julien Gracq
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dire, 1939 a fait presque stellaire) ces deux citations empruntées au Premier et au Troisième manifeste — que souligneraient aussi à l'envi, si l'on se sentait le droit d'en faire état, telles réflexions désabusées à ses intimes, — interdit de faire de Breton le prisonnier de je ne sais quel système et nous rappelle que pour un esprit bien né l'ennui morne qui pèse sur les dimanches reste en tout état de cause la célébration la plus convenable du repos du septième jour. «D'un système que je fais mien, que je m'adapte lentement comme le surréalisme, s'il reste, s'il restera toujours de quoi m'ensevelir, tout de même il n'y aura jamais eu de quoi faire de moi ce que je voulais être, en y mettant toute la complaisance que je me témoigne.» Il est nécessaire de le rappeler : il y a grand profit, pour une époque où les zélotes se lèvent de chaque sillon, déjà à l'alignement, à ne pas laisser perdre pour eux la moindre occasion de scandale, et à achever de soulever exprès, partout où l'agite une brise irrespectueuse, le manteau de Noé. De même que le «Je ne suis pas marxiste» de Marx nous est devenu à certains jours un souffle d'air frais sur le visage, de même on a pu souhaiter dans ces dernières années qu'à bon entendeur Breton rappelât parfois plus expressément, plus énergiquement qu'il n'était pas «surréaliste» — qu'il ne l'était que dans la mesure infiniment souple où peut «engager» la nécessité sentie après coup de l'achèvement d'une courbe mélodique, c'est-à-dire de ce qui nous semble au moment où elle est tracée, la seule succession libre d'une infinité de points de tangence. De ce point de vue les Prolégomènes à un troisième manifeste auraient de quoi rassurer amplement. Breton ne renonce pas, ne semble pas près de renoncer à sa manie cavalière et intrigante de s'absenter. Le choix significatif de quelques rares épigraphes épinglées à son œuvre est là par ailleurs pour nous instruire de l'importance qu'il entend conférer à certains départs qui sont vraiment des lâchez-tout — où tout glisse soudain sous la main, où une voile se gonfle, où un bordage s'incline en rasant des eaux fuyantes, des roseaux mal rassurants. Un battement de cœur s'accélère, une perplexité insoutenable soumet le crâne à sa pression violente.  
     
    «J'évoque la grâce très sombre et très décevante de Mlle de Roannez...»
    « Le 4 octobre dernier, à la fin d'une de ces après-midi désœuvrées et très mornes comme j'ai le secret d'en passer...»
     
    On s'arrête, on n'ose. Pour qui, déjà, parle-t-on? Le choix paraît mince, et porte certains à rire. Au fait, c'est toujours à cette idée clé de société secrète qu'on s'arrête dès qu'il est question, un peu plus sérieusement que dans une conversation de table d'hôte, du pouvoir d'André Breton.
    Elle flotte aussi comme un halo autour de lui, cette atmosphère d'amitié fraîche, mais haussée déjà elle aussi jusqu'au ton de gravité insolite par lequel la prose de Breton avertit, cette atmosphère éleusinienne d'agape partagée, de serment dans le mystère, de révélation sans retour, à la fois hétairie amicale et chevalerie de la Table Ronde, à l'écart de laquelle on devine qu'il s'est toujours obscurément interdit de vouloir penser le surréalisme — après l'échec final de laquelle le plus beau de ses livres n'emprunterait plus jamais pour lui que la lueur d'un splendide désastre.
    Je sais, Breton est aussi autre. On m'oppose des anecdotes cyniques, et sans doute ne faut-il pas négliger le contrepoids bien nécessaire de Jacques Vaché et de l'«umour». Je sais. Peut-être est-il permis de croire encore que la grande aventure de Breton s'est nouée là, vraiment sans réserve, épaule contre épaule, dans ce château dont dans une page inoubliable il a poussé sur ses amis les portes de diamant — et légitime de penser qu'un tel château restait pour lui — développées toutes les précautions oratoires qu'il a dressées lui-même à l'abord du langage mystique — essentiellement un château de l'âme. «À flanc d'abîme, construit en pierre philosophale, s'ouvre le château étoile.»
    Une restriction, de nouveau, s'impose. Il n'est pas question non plus ici de ces fidélités formelles qui amoindrissent. Plutôt il a entendu se fier au courant, abandonner «une idée par ami, un ami par idée». Et il est bien entendu que de chacun de ses livres aussi
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