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Adieu Cayenne

Adieu Cayenne

Titel: Adieu Cayenne
Autoren: Albert Londres
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francs pour moi. Six passagers au maximum.
    – Le pêcheur est-il sûr ?
    – J’en réponds.
    – Un blanc ?
    – Un noir. Son nom est Acoupa. Si tu acceptes,
il sera ici, demain à la même heure.
    – À demain !
    La Chinoise veut me retenir. Ma pensée est
ailleurs. Je sors. Le sentier où je tombe est vaseux. J’avance en
écrasant des crapauds-buffles.

MES COMPAGNONS D’ÉVASION
     
    Vous vous souvenez que mon ami Marcheras vous
a dit, à l’île Royale :
    « L’évasion est une science. » C’est
vrai. Mais c’est une science où le hasard et l’inconnu
commandent.
    Le plus grand des hasards est de réunir les
compagnons de la tragique aventure. Au bagne, on ne choisit pas ses
amis, on les subit. Impossible de s’évader avec des hommes de son
choix. Êtes-vous à Cayenne ? Vos camarades sont aux îles, sur
le Maroni. Il faut se contenter de ce que l’on trouve, éliminer les
gredins, chercher ceux qui ont de l’argent, prendre les marins qui
connaissent le chemin du Brésil ou du Venezuela, se méfier des
mouchards. Ce ne sont pas les gardiens qui gardent les forçats au
bagne, ce sont les forçats qui se gardent mutuellement !
    Le jour suivant, je constituai ma troupe.
    À midi, nous étions six pour la
« Belle ».
    Le premier, on l’appelait Menœil, une
« mouche-sans-raison » lui ayant fait perdre un œil.
Cinquante-six ans d’âge et vingt-neuf de bagne. Condamné à dix ans,
mais dix-neuf de plus au livret pour évasions. C’était un paysan,
un laborieux, attaché à sa famille ! Solide encore. Il avait
sept cents francs.
    Le deuxième était Deverrer : vingt-cinq
ans d’âge. À perpétuité. Cinq ans accomplis. C’était Menœil qui
l’emmenait. Je ne savais rien de plus sur lui. Cinq cents
francs.
    Le troisième était Venet : vingt-huit
ans. Perpétuité. Sept ans de bagne. Pauvre Venet ! quel que
soit son crime, il l’a expié ! Je le revois encore. C’est une
vision épouvantable, mais ce n’est pas l’heure encore de vous
raconter la chose. Intelligent, poli, bien élevé, instruit, parlant
l’allemand. Comptable à l’hôpital. Protégé par le clergé. Manquait
d’endurance physique. Onze cents francs.
    Le quatrième était Brinot : trente-cinq
ans. Perpétuité. Six ans de bagne. Préparateur à la pharmacie.
Boucher de profession, pouvant à la rigueur faire six parts égales
dans un singe. Bon camarade. Neuf cents francs.
    Jean-Marie était le cinquième : vingt-six
ans. Perpétuité. Huit ans de peine. Il devait sa condamnation à une
tragédie bretonne. Sa fiancée s’empoisonne. On l’accuse du crime.
Il n’y est pour rien. On l’arrête. En prison, son gardien le
martyrise. Dix fois par jour, il le frappe de ses clefs, en lui
répétant : « Tu l’as empoisonnée ta fiancée,
hein ? » Jean-Marie est le plus fort. Au bout de vingt
jours, la colère le pousse. Il tue le gardien. Avant de mourir, le
gardien lui demande pardon. Quel drame ! Aux îles, j’avais
connu Jean-Marie. Je lui avais appris le métier d’ébéniste. Un
forçat qui apprend volontairement un métier est un homme qui n’est
pas pourri. Travailleur. Bonnes mœurs. Ne buvait pas. Ne se serait
jamais évadé sans moi. Ah ! le malheureux aussi ! Neuf
cents francs.
    Voilà les passagers de mon
« navire ».
    … Dieudonné s’arrêta un moment, fouilla dans
ses poches, et :
    – Vous m’avez encore volé mes
allumettes ?
    C’était vrai. Je les lui rendis. Il alluma une
« Jockey-Club » et dit :
« Continuons ».
    – Le soir, à la nuit, je retournai canal
Laussat. Je frôlai Ullmo qui, sortant de son travail, rentrait chez
lui, les yeux comme toujours fixés à terre. Quelle expiation !
Si ses anciens camarades de la marine pouvaient le voir !
    Et me voici devant le bouge du Chinois. Je
fonce dans la porte comme si j’étais poursuivi. Cette fois, les
joueurs n’eurent pas le temps de disparaître, mais ils empoignèrent
l’argent qui était sur la table, et l’un qui n’avait pas de poche,
– il était nu – mit la monnaie dans sa bouche.
    Le Chinois me conduisit dans la pièce à tout
faire. Un noir, assis sur le lit, fumait la pipe. C’était le
sauveur.
    – Eh bien ! me dit-il, la pêche va mal.
J’ai une femme et deux enfants ; alors, pour remonter mes
affaires, je vais entreprendre les évasions.
    Il ajouta :
    – C’est moi Acoupa.
    – Comment est-elle votre pirogue ? Jamais
je n’ai entendu prononcer ce mot de pirogue
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