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Adieu Cayenne

Adieu Cayenne

Titel: Adieu Cayenne
Autoren: Albert Londres
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viennent
s’asseoir.
    – Et alors ?
    – Eh bien ! le banc, c’est de la vase, et
les forçats s’enlisent et meurent.
    Nous non plus, on ne tardera pas à s’asseoir.
Acoupa est mauvais marin. Il ne sait pas prendre la barre à la
sortie du Mahury. Il entre dans la pleine mer comme un taureau dans
l’arène, donnant de tous côtés, à coups de rames saoules. Enfin,
grâce au « perdant », nous arrivons tout de même à la
hauteur des îles Père-et-Mère.
    Et le vent tombe. Et nous sommes forcés
d’ancrer.
    On voit deux barques de pêcheurs au loin. Nous
entendons un moteur. C’est Duez dans sa pétrolette qui, de son île,
va à Cayenne vendre ses légumes « frais ».

NOUS RECULONS
     
    – Acoupa ! nous reculons ! fis-je
subitement.
    Nous tirons sur la corde de l’ancre. La corde
vient seule. L’ancre est restée au fond. Nous reculons toujours. On
mouille une grosse pierre. La pierre s’échappe de la corde :
nous reculons.
    J’avais emporté ma presse d’établi, pour
travailler, sitôt libre ; je la sacrifie, nous l’attachons à
la corde. La tension est trop forte, la corde casse. Nous reculons
de plus en plus vite.
    Nous pagayons à rebours avec tout ce qui nous
tombe sous la main. Moi, avec mon rabot ; Jean-Marie avec une
casserole ! Pittoresque à voir, hein ?
    Nos efforts n’ont rien obtenu. Le courant nous
a rejetés. Nous sommes face au dégrad des Canes.
    Nous ancrons avec un bambou que nous plantons
dans le fond. L’eau bientôt se retire et notre pirogue s’assied sur
la vase. Nous pensons tous, alors, au banc des Français !
    La nuit vient nous prendre comme ça.
    Deverrer et Venet pleurent. Menœil, le vieux,
est encore tout bouillant. C’est lui qui les remonte :
« Je serais presque votre grand-papa, et pourtant, moi, je
ris. Je sens une très bonne odeur ! Ma femme qui m’attend
depuis vingt-neuf ans, cette fois, ne sera pas déçue. » Enfin,
c’est ce qu’il disait !
    Aussi loin que s’étende le regard, ce n’est
plus qu’un banc de vase dont on ne voit pas la fin.
    Nous décidons de sortir de là dès le lendemain
au « montant », à la pagaie et à la voile. Les pagaies
manquant, nous arrachons les bancs de la pirogue et nous taillons
sept palettes. On pagayera à genoux, voilà tout !
    – Maintenant, dormez, dis-je aux compagnons.
Il faudra être forts demain. Je veillerai.
    La nuit est froide. La lune bleuit les flaques
d’eau qui sont restées sur la vase. La lanterne du dégrad des Canes
le seul œil de cette côte réprouvée, cligne au loin.
    Menœil ne s’est pas endormi. Deverrer rêve
tout haut. Il dit : « Non, chef ! Non, chef !
Ce n’est pas vrai. » Il se débat encore avec la
« Tentiaire », celui-là ! Venet est agité.
Jean-Marie ronfle.
    Acoupa grince des dents sur le tuyau de sa
pipe.
    La nuit passe. L’eau arrive. La pirogue
frémit.
    – Debout, vous autres !
    Acoupa est déjà à la barre. Jean-Marie et
Menœil sautent vers la voile ; et nous, nous luttons contre le
montant qui veut nous rejeter encore.

LA LUTTE CONTRE LE FLOT
     
    Nous ne pouvons pas avancer, mais nous ne
reculerons pas, nous le jurons ! Pendant trois heures, nous
nous maintenons à la même place, pagayant, pagayant, pagayant. Ho
hisse ! Ho hisse ! Ho hisse !
    Une brise se lève. Hourra ! la pirogue
avance. Nous passons la pointe de Monjoli. La brise se fortifie.
Elle nous emporte. L’enthousiasme fait valser les pagaies. Nous
sourions à Acoupa. Nous doublons l’îlot la Mère. Adieu, Duez !
Et que tes légumes frais viennent bien ! Voici les
Jumelles ! Plus qu’un petit coup, et le large est à nous. Le
vent, soudain, n’est plus dans la voile. Est-ce Jean-Marie et
Menœil qui l’ont perdu ? La voile le cherche de tous les
côtés. Le vent est parti. La mer nous repousse. Tous à la
pagaie ! Allez, les sept ! La mer est plus forte. Elle
nous renvoie à la côte. Nous touchons la vase, où la pirogue vient
se rasseoir.
    Et c’est comme l’autre nuit…
    Seulement, personne ne veille cette fois. Qui
donc, hommes ou bêtes, viendrait nous déranger ici ? Plus même
de lanterne à l’horizon comme au dégrad des Canes !
    Le jour. La marée arrive lentement. Pas de
vent ! Nous prenons nos pagaies. La pirogue n’avance pas.
Acoupa nous commande de ne pas gaspiller nos forces. À midi, nous
sentons la pirogue qui se soulève. C’est la vase qui fait soudain
le gros dos. Elle ne redescend pas, elle se fige
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